Gouvernance de la terre au Sahel

Comment catalyser la sécurité et la résilience climatique par la restauration des terres?

19/01/2021
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Comment catalyser la sécurité et la résilience climatique par la restauration des terres?

 

Dans le cadre du partenariat que les lie, la fondation Initiatives et Changement Suisse et le Département fédéral suisse des affaires étrangères (Division Sécurité humaine), ensemble avec le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP), Initiatives for Land, Lives, and Peace, Environmental Peacebuilding Association, et Global EverGreening Alliance, ont organisé un webinaire sur le thème « Gouvernance de la terre au Sahel : Comment catalyser la sécurité et la résilience climatique par la restauration des terres ? ». Tenu le 2 décembre 2020, il faisait suite à celui du 10 juillet 2020 sur « La terre et la sécurité en Afrique subsaharienne », organisé dans le cadre du Caux Forum Online 2020.

Présidé par M. Luc Gnacadja (Bénin), Fondateur et président de GPS-Dev (Governance & Policies for Sustainable Development), ancien Secrétaire exécutif de la CNULCD (2007-2013) et ancien Ministre de l’Environnement du Bénin (2004-2007), le panel a réuni plusieurs personnalités actives au cœur des préoccupations de sauvegarde de la terre et de la paix au Sahel :

 

  • SE Mme Bouaré Bintou Founé Samaké, Ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille du Mali
  • Le Colonel Major Ousmane Traoré, ancien Gouverneur de la Région de l’Est du Burkina Faso
  • M. Oumar Sylla (Sénégal), Directeur par interim de ONU-Habitat et ancien Directeur du Global Land Tool Network (ONU-Habitat), Nairobi
  • Mme Salima Mahamoudou (Niger), Associée de recherche, Land Accelerator Programme, World Resources Institute, Washington DC
  • M. Abasse Tougiani, Chercheur principal, Institut National de la Recherche Agronomique du Niger (INRAN), Niger

 

CDES workshop Sahel 2 Dec 2020 speakers

 

Ce webinaire interactif montra dans toutes ses dimensions les liens qui unissent une bonne gestion des terres et la sécurité des populations sahéliennes ainsi que l'urgence de donner, à ceux qui sont la force vive des régions agricoles, les femmes et les jeunes, la possibilité d'accéder à la gestion des terres, ceci afin de répondre à leurs besoins et, par là-même, de réduire les risques d'attirance vers les groupes extrémistes violents. Il présenta également, sous de nombreux angles, des options et des solutions qui permettent de catalyser la sécurité et la résilience climatique, à travers la gestion durable des ressources naturelles, en particulier par la restauration des terres dégradées ou par l'investissement financier, encore peu actif dans les terres agricoles au Sahel. Et il mit bien en exergue le mot clé de la gouvernance, rien n’étant possible sans la volonté et les politiques publiques stimulant et encadrant une action environnementale au service de la sécurité et de la paix.

Dans son introduction, Monsieur Luc Gnacadja montra combien les systèmes agricoles et pastoraux sont fragiles au Sahel, menacés qu'ils sont par les défis interconnectés de la dégradation de la terre, de l’insécurité, de la faible gouvernance et du changement climatique. Or, il est difficile de créer, selon lui, un cycle vertueux de changement tant que la question transversale de la gouvernance des terres n'aura pas été révolutionnée. Note d'espoir cependant : il a rappelé qu’au sortir des deux décennies terribles des années 70 et 80, des mouvements de restauration de terres dégradées se sont développés, en particulier au Niger, au Burkina et au Mali, par le processus de régénération naturelle assistée (RNA ou FMNR en anglais) avec de bonnes pratiques aujourd’hui bien documentées. C'est, entre autres, dans cette direction qu'il est nécessaire de tourner nos regards aujourd'hui.

 

Darfuri refugee camp in eastern Chad – photo with kind permission on CORD UK
Camp de réfugié-e-s du Darfour dans l'est du Tchad - Photo avec l'autorisation de CORD UK

 

Pour le Colonel Major Ousmane Traoré, des sols globalement pauvres couplés à une transhumance urbaine en pleine expansion et un changement climatique aux effets visibles restreignent fortement l’offre de ressources foncières pour les activités agro-pastorales, et font des Burkinabè « des paysans sans terres », alors même que 86% de la population active de son pays vit de ces ressources. La coexistence de régimes fonciers traditionnels et modernes ainsi que les pesanteurs socio-culturelles limitent l’accès sécurisé des femmes et des jeunes aux terres. Les populations perdent aussi souvent le contrôle de leurs ressources faute d’un droit adapté et d’une application judicieuse. Tout cela contribue à une frustration grandissante, qui est exploitée par les groupes extrémistes violents.

Comme, par exemple, quand les populations n'ont plus accès aux terres dont l'Etat décrète soit qu'elles lui appartiennent et qu'il les donne à gérer à des entreprises d'exploitation, ou qu'elles sont protégées et que leur accès est interdit. Les groupes extrémistes proposent une réponse simple : ils laissent aux populations le libre accès aux produits de l'exploitation. Comme ces ressources sont souvent devenues le seul bien économique de la communauté, il n'est pas étonnant que celles-ci acceptent de tels contrats. Il est donc urgent de proposer et trouver des solutions. Constatant que la terre est un bien lié à l’économie, mais aussi un espace de vie lié au social, à la culture, aux traditions et à la politique, il se dit persuadé qu'une gestion harmonisée du patrimoine foncier - par des programmes de gestion de la fertilité des sols, par exemple - permet une hausse de la productivité globale, diminue les risques d’insécurité alimentaire et de stratégies de survie néfastes (vente des moyens d’existence et des capacités de production) et crée des emplois pour les jeunes ruraux – autant d’éléments permettant de couper les racines de l’insécurité et de la violence.

Madame Bouaré Bintou Founé Samaké, mentionnant que les sols non dégradés au Mali ne représentent que 20 % à peine de la surface du pays, plaide vivement pour l'amélioration de l’accès à la terre des jeunes et des femmes, dont 80% dépendent directement de l’activité agro-pastorale. Pratiquement exclus de la gestion de terres arables (mécanismes formels de transmission des terres qui vont aux hommes aînés, coutumes ancestrales), ceux-ci doivent se contenter le plus souvent des terres dégradées ou abandonnées. Il existe certes, au Mali, une loi d'orientation agricole qui stipule que 10% des terres aménagées doivent revenir aux femmes et aux jeunes. Hélas, utilisés comme force de travail et rarement propriétaires des champs, ceux-ci peinent à faire appliquer la loi. De plus, le chômage exacerbant l'impatience des jeunes, ceux-ci trouvent dans les moyens apportés par les groupes violents une source de survie alternative et aisément accessible. A ces difficultés s'ajoute la non délimitation des terres et des frontières qui fragilise encore davantage ceux, femmes et jeunes principalement, qui utilisent les espaces agricoles sahéliens pour leur revenu ainsi que l'impossibilité, en temps de violence, de se rendre aux marchés et de vendre leur production. L'oratrice est donc persuadée que tant que les femmes et les jeunes ne seront pas intégrés aux prises de décisions tant centrales que locales, aucune approche nouvelle n'est possible. Il en est de même des processus de paix qui ne peuvent réussir que si les communautés, dont les femmes et les jeunes, en sont les principaux moteurs.

 

CDES Chad, photo Theo Fruendt
Photo: Theo Fruendt

 

Pour Monsieur Oumar Sylla, le fondement d'une bonne politique de la terre repose sur la participation complète des populations locales aux décisions les concernant. La faillite des politiques passées vient de là : décrets imposés des capitales, trop de mimétisme, pas d'appropriation des communautés, pas de respect des besoins fondamentaux des paysans et des bergers, non utilisation des mécanismes locaux de résolution des conflits et de la gestion des terre, centralisation et sectorialisation des politiques agricoles. Cette situation ne laisse souvent aux jeunes des campagnes que deux options : la migration ou l'engagement dans les groupes extrémistes violents. Les changements climatiques ne font que se superposer à ces réalités et les exacerber. Pour lui, la dimension sociale et écologique des enjeux nous oblige à mettre en place des approches multisectorielles et à placer les gens « au cœur de la vie ». Travailler sur les causes des difficultés, renforcer le pouvoir local, mettre la terre, dont sa restauration, au centre des programmes gouvernementaux lui paraît une condition absolue pour améliorer le sort des populations sahéliennes. La communauté internationale, dont l'ONU, doit participer activement à ces efforts, en particulier en formant les agriculteurs, en proposant des cadres de dialogue et en créant des coalitions créatives. Enfin, professionnellement au centre du système des Nations Unies, il préconise l'intégration d'experts agricoles et de restauration des sols dans les missions onusiennes sur le terrain, ainsi qu’au siège.

Quant à Monsieur Abasse Tougiani, il démontra à travers les expériences faites au Niger, qui ont abouti récemment à l’adoption d’un décret, que la régénération naturelle assistée des terres (RNA) avait de multiples avantages, tant humains et sociaux que scientifiques et climatiques. Conservation des eaux, renouvellement des sols, préservation des paysages, nette amélioration de la rentabilité des terres et confiance renouvelée des pouvoirs locaux dans leur capacité de gestion en sont les résultats immédiats. Cette pratique repose principalement sur l'engagement des communautés locales « qui savent ce qu'elles veulent ». Il rappela qu'en 2005, quand le pays était menacé de famine, les zones RNA du Niger sont restées excédentaires et qu'actuellement, quand les menaces de violence font fuir les habitants, se sont souvent les femmes qui restent sur place et qui assurent la poursuite de la production. Il souligne néanmoins les difficultés qu'ont les femmes à hériter de terres considérées comme des « joyaux » par les hommes de la famille. Quand la femme se marie, elle n'a pas droit à l'héritage terrien de ses parents, ce qui, souvent, prive ses enfants de futures possessions. On retrouve donc ici les mêmes liens entre insécurité-terre et les mêmes réponses : investir dans la restauration des terres pour répondre aux besoins des populations et adopter le dialogue et la gestion participative pour le faire.

Il revenait finalement à Madame Salima Mahamoudou d'introduire la dynamique du secteur privé dans la préservation et le développement des espaces agricoles. Se demandant comment il va pouvoir être possible de restaurer 100 millions d'hectares de terres dégradées au Sahel, elle plaida, exemples à l'appui, l'engagement des investisseurs privés dans cette immense tâche. Il faut leur démontrer que de tels investissements sont rentables, et pour cela la recherche et l'accumulation de données tangibles sont indispensables. C'est aussi ce que fait son programme, qui met en contact « bailleurs et acteurs » et qui enseigne aux agriculteurs à vendre leurs activités, à créer des business plans, à être compétitifs au niveau régional, à augmenter le nombre de leurs employés et à prendre en considération la dimension écologique et climatique de leur travail. La restauration des terres n'est pas seulement une question pour experts en développement mais c’est aussi une question de gains économiques. Elle relève néanmoins que les zones d'instabilité politique ou de violence font peur aux investisseurs et que son organisation a dû cesser ses activités aux alentours de Diffa (Niger) à cause des groupes extrémistes. Elle a également reconnu que les femmes ne jouent quasiment aucun rôle dans l'entreprenariat car celles-ci « n'ont pas accès à la terre », sauf au sein des coopératives. Elle trouve cela grave et incitatif pour que les autorités soient activement mobilisées.

En conclusion de ce webinaire dense et plein d'espoir, deux propos entendus peuvent être retenus : « A notre époque, on peut communiquer très facilement, mais peut-on s'entendre ? » et un souhait : « Que chacun fasse sien ce qu'il a appris de l'autre ! ». Le Président du panel a également ouvert la voie pour une suite à donner à ces échanges : « Rendez-vous la prochaine fois pour discuter des résultats ! ».

 

Télécharger le rapport en pdf

 

 

Facilitateurs

Le Dr Alan Channer, spécialiste de la restauration des terres et la construction de la paix, a remarqué que, alors que la technologie internet nous permet de communiquer très, nous sommes néanmoins confrontés au défi de nous comprendre les uns les autres. Il a souligné l’importance de ce webinaire pour favoriser la compréhension au-delà des frontières de la nation, de la discipline et du milieu de vie.

Mme Carol Mottet, Conseillère principale à la Division Sécurité humaine du Département fédéral des affaires étrangères de Suisse, est responsable d’un programme de prévention de l’extrémisme violent et elle a contribué à établir le lien entre les spécialistes de l’environnement et ceux de la sécurité.

 

Partenaires

CDES workshop Sahel 2 Dec 2020 partners

 

 

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Nouvelle année, nouvelle adresse à Genève !

14/01/2021
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A l’instar des autres organisations, la Covid-19 a impacté nos finances, mais également notre manière de travailler. Le télétravail est désormais devenu la norme pour notre équipe et nous avons donc décidé de réduire nos bureaux de Genève. Nous sommes heureux d'avoir trouvé un nouveau bureau au cœur de la Maison internationale de l'environnement II à Genève.

Notre nouvelle adresse est désormais :

 

Initiatives et Changement Suisse

Maison internationale de l'environnement II

Chemin de Balexert 9

CH-1219 Châtelaine- Genève

 

Nous nous réjouissons de vous accueillir dans nos nouveaux bureaux dès que la situation le permettra.

Notre siège reste à Caux (Rue du Panorama 2, CH-1824 Caux). Vous trouverez également nos coordonnées actualisées ici.

 

Crédit: Icône page d'accueil par Fasil sur www.freeicons.io

 

 

 

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«Afghanistan m'a donné des racines et le Danemark des ailes»

12/01/2021
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Abeda Nasrat CPLP

Abeda Nasrat est âgée de deux ans lorsqu’elle arrive au Danemark en tant que réfugiée afghane. Actuellement, elle étudie le droit à l'université de Copenhague et travaille comme étudiante assistante à l'Institut danois des droits de la personne. En 2019, elle participe au Programme de Caux pour la paix et le leadership. Dans une interview pour les « CPLP Talks », elle parle de sujets comme la culture et l'identité.

 

Qu’est-ce que la culture pour vous ?  

La culture évoque pour moi les choses autour desquelles j'ai grandi : ma grand-mère par exemple qui me mettait du henné sur les mains, qui célébrait le Nouvel An afghan et les festivals islamiques, mais aussi les danses et la cuisine afghanes. La façon dont je vivais à la maison était très différente de ce que je vivais une fois le seuil de la porte franchi.

Je suis arrivée au Danemark à l'âge de deux ans environ. J'ai été placée dans un jardin d'enfants pour réfugié-e-s. J'avais beaucoup d'ami-e-s qui, comme moi, faisaient partie d'une « minorité ». Nous avions toutes et tous en commun de ne pas « faire partie de quelque chose ».   Nous rencontrions tous les mêmes difficultés. Parler danois était un veritable défi et nous nous sentions un peu gêné-e-s d'avoir une culture différente. J'ai grandi entourée de garcons et de filles arabes, somaliens et turcs.  

Je sais pas si j’aurais pu prendre conscience de ce qu’est la culture si je n’avais pas grandi au Danemark, un espace où ma culture était minoritaire. J'ai rapidement été confrontée aux contradictions palpables entre les cultures afghane et danoise. La culture danoise est très libre, alors que la culture afghane était très traditionnelle. Sous la pression sociale des deux cultures, j'ai eu du mal à comprendre ce que je voulais. J'ai toujours choisi de faire le contraire. À la maison, j’adoptais la culture danoise et à l'école, la culture afghane. C'était ma façon de trouver un espace pour me définir et me découvrir.

 

Quelle a été l'importance de la langue dans le développement de votre identité ?

La langue que nous partagions en tant qu'immigrant-e-s était davantage liée à notre manière de communiquer qu’à celle de parler. Nous nous saluions toutes et tous en nous embrassant. Nous étions,, enfants et adultes, des personnes extrêmement expressives. Nous partagions le langage corporel, ces petits gestes compris de tous. Le langage n'était pas tant verbal que corporel.  Je savais que ma grand-mère aimait le henné, alors je lui montrais ma reconnaissance en allant dans sa chambre et en lui demandant de me mettre du henné sur les mains. Son visage s'illuminait. La musique a également été un élément important de mon processus d’identification. Quand j'entends de la musique pachtoune, je me connecte à la vie que je n'ai jamais eue en Afghanistan, et cela me montre en quelque sorte qui je pourrais être.

 

Je me souviens qu’à Caux vous étiez une footballeuse de talent.  Vous nous aviez confié jouer au football comme acte d’ « opposition aux attentes de votre culture afghan » ? 

En Afghanistan, il est inimaginable pour une femme de jouer au football. Il y a quelques années, une joueuse de l'équipe féminine de football afghane poursuivie par les talibans a dû fuir au Danemark. Cela montre à quel point la culture afghane pose des attentes sur le comportement des femmes et des  hommes, mais principalement des femmes. Quand nous recevons , nous parlons d'une certaine manière et nous nous comportons d'une certaine manière. Il existe des attentes et des barrières sociales, tant pour les filles que pour les garçons.

J'ai grandi entourée de quatre frères, en faisant des « trucs de garcons », en grimpant aux arbres et en jouant au football. Une fois à la maison, je devais m'habiller différemment, et je trouvais cela injuste. Nous devions agir d'une certaine manière sans aucune raison apparente si ce n’est celle de dire « voilà ce que nous sommes et voilà ce que nous faisons ». Le football a donc été ma rébellion. En tant que personne qui n'a jamais été à sa place, je sais que ma place est sur un terrain de football.

Je me suis battue pour prouver à mes parents que je ne peux pas être l'Abeda qu'ils veulent ou qu'ils ont besoin que je sois. Mon père m'a beaucoup aidée car il était ouvert à ce que je sois celle que je voulais être. Un jour, il m'a demandé de m’asseoir et m'a dit que nous pourrions trouver un compromis. Cela a été très important pour moi.

 

Selon vous, la culture s'apprend-elle ou se vit-elle ?

Je me retrouve à contester les structures qui sont en désaccord avec mes valeurs personnelles. La culture nous indique ce que nous devons faire ou non,  et parfois, force est de constater que cela peut se révéler mal ou injuste. J’en ai alors parlé avec mes ami-e-s et nous avons dû nous render à l’évidence que  nous étions prêt-e-s à parler des choses que nous aimerions changer dans nos cultures, mais que nous n’étions pas certains d'engager ces discussions chez nous, avec nos familles. C'est presque comme si nous trouvions acceptable de faire une concession et de nous plier aux normes culturelles chez nous.

Je suis en désaccord avec beaucoup de choses qui sont devenues courantes dans notre culture. L'une d’elles est l’importance accordée au matérialisme. Les personnes sont jugées sur la base de ce qu'elles possèdent et non pas sur ce qu’elles sont. Je m’oppose également à la notion d’« honneur », qui varie d’un sexe à l’autre. Il enferme les femmes, ce qui est une injustice. La lutte continue consiste à trouver un équilibre entre ce que vous savez être juste ou injuste et ce que la culture considère comme acceptable et inacceptable.

 

Une dernière question piège : comment vous identifiez-vous ?

J'ai appris avec le temps que je suis « danoise / afghane », « femme / garcon manqué », « réfugiée / musulmane ». Ce sont là toutes mes identités, mais la meilleure façon de m'identifier serait de me définir  comme une enfant d'une troisième culture. Mon enfance au Danemark a été si belle ! J'ai été élevée dans la mosquée turque et arabe, donc naturellement je me connecte avec ces cultures. Lorsque je suis avec mes ami-e-s proches, nous dansons ensemble la dabke, la buraanbur et l'attan (danses arabes, somaliennes et afghanes). C'est pour cette raison que la culture tient une place si importante à mes yeux. Elle a su me donner le pouvoir de me connecter avec des personnes du monde entier.

L'une des personnes qui m'a aidée à trouver mon identité a été Ole, mon enseignant.  Je peux même dire qu’il a changé le cours de mon existence. J’étais dans une école catholique et j'ai eu du mal à m'intégrer. Il m'a appris à être fière de mes valeurs et des parties de mon identité qui ne rentraient pas dans les cases. Il a été la première personne dans ma vie à m'accepter pour ce que je suis. Lorsque nous avons obtenu notre diplôme, il a dû choisir une personne à laquelle une bouse d’études serait décernée et à la surprise générale, c’est moi qu’il a choisie.

Huit ans plus tard, je me souviens encore de ses mots. Il a dit que ce qu'il appréciait le plus chez moi, c'était mes racines, ma religion et le mélange du Danemark et de l'Afghanistan. Depuis ce jour, ces mots me tiennent à cœur. Je crois vraiment que je serais une Abeda totalement différente, si je n'avais pas rencontré ce professeur. On peut donc dire que l'Afghanistan m'a donné des racines et le Danemark des ailes.

 

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Si vous souhaitez participer à une conversation en ligne avec des alumni du Programme de Caux pour la paix et le leadership le samedi 23 janvier 2021 à 14:00 CET sur le thème de la culture, veuillez vous inscrire ici ! A la sute de votre inscription, vous recevrez un courriel de confirmation vous indiquant comment participer à la rencontre.

Veuillez lire les conditions d'inscription ici.

Pour en savoir plus sur les « CPLP Talks », cliquez ici.

Pour en savoir plus sur les Programme de Caux pour la paix et le leadership, cliquez ici.

 

 

 

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Sebastian Hasse CPLP

Sebastian Hasse, qui a grandi au moment de la réunification près de la frontière entre l'ancienne Allemagne de l'Ouest et de l'Est, réfléchit à la culture, aux émotions et à leur impact sur nos vies.

Alors même que je veux évoquer mes racines culturelles, voilà que je les ressens à nouveau, cette réticence et cette colère refoulée, cette impuissance et ce chagrin non exprimé. Depuis toujours, j'essaie de me libérer de cet héritage qui m'a tant donné d'un côté et a tant nié ma personnalité de l'autre.

J'ai grandi au sein d’une famille mixte dans une ville moyenne d’Allemagne de l'Ouest, située près de la frontière avec la RDA. À l’époque, les familles mixtes n'étaient pas si courantes. Nous étions néanmoins une famille très classique : mon père gagnait de l'argent, pendant que ma mère s’occupait de nous. Comme mes quatre sœurs, je suis allé dans un lycée traditionnel. Au départ, j'ai eu un mal fou à m'identifier à cet établissement. Je préférais aller à l’atelier de musique de l’école. C’est d’ailleurs là, lors d'un échange franco-allemand, que j'ai rencontré ma première petite amie.

La réunification allemande a été l'événement politique et culturel central de mon enfance, aussi bien en raison des défis sociaux qu’elle engendrait qu’à cause de ce que cela signifiait pour ma famille. Ma belle-mère, qui m'avait adopté quand j'avais environ deux ans, était originaire d’Allemagne de l’Est, où elle avait passé deux ans en prison en tant que prisonnière politique. Mais nous n'en avons jamais vraiment parlé à la maison. Nous n'exprimions jamais véritablement nos sentiments. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de sentiments ni que je n'étais pas aimé par ma famille. Mais je me souviens qu'enfant, on n'ait souvent pas géré mes difficultés émotionnelles comme il le fallait. Aujourd'hui, je sais que la génération de mes parents et celle de mes professeurs en étaient incapables, tout simplement parce que les générations précédentes ne leur avaient pas appris à gérer ce genre de situations. Ces générations-là avaient vécu deux Guerres mondiales et en étaient responsables.

Toute empreinte est culturelle. La culture est globale et les personnes qui vous éduquent ne peuvent pas plus que vous échapper à leur propre empreinte culturelle. Il est injuste de ne pas pouvoir changer ce qui vous a façonné, a fortiori dans la petite enfance. Cela vous blesse et vous empêche d’avancer. S'en libérer est littéralement l'œuvre de toute une vie.

Ce sont précisément ces rencontres qui m'ont permis de grandir encore et encore, tant dans la compréhension de moi-même que dans mon ouverture au monde.

Grâce à ce travail sur moi-même, je me suis toujours senti entre de bonnes mains à Caux. J'y ai rencontré presque exclusivement des gens qui trouvaient ça aussi important que moi et qui y aspiraient autant que moi. Plus tard, j'ai compris que ce sentiment ne se limitait pas à Caux, mais qu’il y est particulièrement intense. Néanmoins, je chéris chaque moment que j'ai pu passer là-bas, que ce soit dans le cadre des conférences du Caux Forum ou du Programme de Caux pour la paix et le leadership.

La rencontre de personnes ayant des racines culturelles différentes des miennes m'a questionné et m'a submergé à maintes reprises. Mais ce sont précisément ces rencontres qui m'ont permis de grandir encore et encore, tant dans la compréhension de moi-même que dans mon ouverture au monde. Elles m'ont révélé ce que je possède déjà et aussi ce qui me manque encore. Elles m'ont rendu fier de mon héritage et m'ont fait comprendre mon désespoir face à tout ce qui me manquait dans mon enfance. Et ce sont précisément ces rencontres interculturelles qui me procurent aujourd’hui une joie de vivre totale.

 

Le parcours de Sebastian Hasse n’est pas une ligne droite. Après avoir entamé des études en informatique dans sa ville natale, Lübeck, Sebastian Hasse réalise rapidement que ce diplôme ne le rend pas heureux. Il s’engage alors dans une carrière d'acteur, se tourne vers le cinéma avant de revenir finalement à l'informatique en tant que consultant au sein de l'entreprise familiale. Il est le premier président d'une petite ONG basée sur le bénévolat à Berlin qui se concentre sur l'éducation non formelle des jeunes adultes en Europe centrale et orientale. C’est grâce à différentes rencontres internationales que Sebastian Hasse a découvert I&C et s’est rendu à Caux.  Son séjour l’incite à se former à la médiation et à participer en 2019 au Programme de Caux pour la paix et de leadership. Sebastian aime les histoires et est convaincu que les paradoxes et les perspectives contradictoires constituent une part essentielle de l’être humain.

 

_____________________________________________________________________

 

Si vous souhaitez participer à une conversation en ligne avec des alumni du Programme de Caux pour la paix et le leadership le samedi 23 janvier 2021 à 14:00 CET sur le thème de la culture, veuillez vous inscrire ici ! A la sute de votre inscription, vous recevrez un courriel de confirmation vous indiquant comment participer à la rencontre.

Veuillez lire les conditions d'inscription ici.

Pour en savoir plus sur les « CPLP Talks », cliquez ici.

Pour en savoir plus sur les Programme de Caux pour la paix et le leadership, cliquez ici.

 

 

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Que faut-il pour être entrepreneur ou entrepreneuse ?

Semaine mondiale de l'entrepreneuriat 2020

07/12/2020
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Semaine mondiale de l'entrepreneuriat 2020

 

En novembre 2020, la Semaine mondiale de l'entrepreneuriat a organisé E-SPACE,, un événement hybride de trois jours qui proposait une série de master class et de conférences. Rainer Gude, co-directeur général d'Initiatives et Changement Suisse, a été invité à participer à la table ronde de clôture.

 

Rainer Gude e-space conference Nov 2020

 

Celle-ci portait sur le thème suivant : « Comment devenir l’artisan du changement de demain ? ». Les trois intervenant-e-s – Ingeborg Albert, responsable de l'innovation chez Geneus, Didier Fischer, président du groupe sportif Servette, et Rainer Gude – ont discuté de la manière dont les entrepreneurs et entrepreneuses pouvaient concrétiser leurs idées et apporter un changement positif à la société.

Ingeborg Albert a rappelé les trois principaux risques auxquels est confronté tout entrepreneur ou toute entrepreneuse : une idée peut ne pas répondre aux besoins de la société ; elle peut ne pas fonctionner dans la réalité du marché ; enfin, son exécution peut être un échec. Ingeborg Albert a expliqué que, pour minimiser ces risques, il fallait les affronter un par un. Tout d'abord, clarifiez votre idée et demandez leur avis au plus grand nombre de personnes possible. Cela vous aidera à déterminer si elle répond à un besoin réel. C’est ensuite seulement que vous pourrez vous attaquer aux deux autres risques. À chaque étape, vous devez impérativement construire, mesurer et apprendre. « L'entrepreneuriat n'est pas l’apanage des personnes créatives et audacieuses, a-t-elle souligné. Plus vous essaierez, meilleur vous deviendrez. C'est un processus comme un autre. Vous devez le considérer comme un parcours de carrière, mais laissez-vous aussi guider par des expert-e-s ». Geneus soutient les entrepreneurs et entrepreneuses tout au long de ce processus.

« Dans le monde entier, les tiroirs sont remplis de bonnes idées, mais seuls les entrepreneurs et entrepreneuses les concrétisent », a rappelé Didier Fischer. D’après lui, l'esprit d'entreprise comporte trois éléments. Il y a d’abord la passion : ne vous engagez pas juste pour l'argent dans une voie si celle-ci ne vous intéresse pas du tout. Vous aurez besoin de cette passion pour soutenir tous les efforts que votre entreprise exigera de vous. Dans un deuxième temps, vous devez clarifier la valeur ajoutée de votre idée. Enfin, et c’est le troisième élément, vous devez être différent-e. À chaque étape, depuis l’élaboration du produit jusqu’à la structuration de votre organisation, demandez-vous comment vous pouvez vous différencier des autres.

 

Dans le monde entier, les tiroirs sont remplis de bonnes idées, mais seuls les entrepreneurs les concrétisent.

- Didier Fischer

 

Enfin, Rainer Gude a rappelé que si vous voulez que vos idées contribuent à améliorer le monde, vous devez d'abord être un acteur ou une actrice de changement pour vous-même. Commencez par vous poser six questions fondamentales : qui, quoi, où, quand, pourquoi et comment ? Qui êtes-vous ? Découvrez qui vous êtes par-delà de ce que vous faites, par-delà de ce que l’on dit de vous et par-delà de ce que vous possédez. Si vous ne faites pas ce travail préalable, rien de ce que vous ferez ne vous donnera jamais satisfaction. Trouver votre mission et vos valeurs vous aidera à déterminer ce que vous voulez changer dans le monde (« quoi ? »). Ne vous dites pas que ce moment-là (« quand ? ») viendra plus tard. Voyez chaque instant comme une nouvelle opportunité de recommencer, encore et encore. Continuez à vous demander pourquoi vous voulez faire ceci ou cela et restez ouvert, car vos idées continueront à évoluer au fil du temps. Enfin, comment faire ? En travaillant d’abord sur vous-même. Utilisez le silence et n’oubliez pas d’écouter votre propre voix intérieure, cet expert essentiel mais trop souvent ignoré.

Les intervenant-e-s ont reconnu que l'échec était une composante essentielle du cheminement de tout entrepreneur et entrepreneuse. « Nous avons, tous et toutes, peur d'échouer, mais plus vous essaierez et échouerez et plus vous apprendrez », a expliqué Ingeborg Albert. Elle a, toutefois, souligné qu’il importait de faire preuve de discernement et de définir à l'avance le montant maximal que l'on peut se permettre de perdre. Didier Fischer a ajouté que l'échec comme la réussite peuvent tous deux être dangereux, selon la façon dont on les appréhende. Même si vous réussissez, vous pouvez apprendre quelque chose pour la suite du projet. Les trois intervenant-e-s ont conclu en évoquant le rôle essentiel que joue la communication – en particulier vis-à-vis de ses employé-e-s – dans la réussite de toute entreprise.

 

Photos & vidéo: E-SPACE

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Des outils pour survivre à une crise

Semaine mondiale de l'entrepreneuriat 2020

03/12/2020
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Semaine mondiale de l'entrepreneuriat 2020

 

Pendant la Semaine mondiale de l'entrepreneuriat en novembre 2020, Initiatives et Changement Suisse a participé à E-SPACE, un événement hybride de trois jours qui proposait une série de master class et de conférences. À cette occasion, Annika Hartmann, directrice générale du programme « Leadership éthique dans le business », a donné une master class intitulée « Survivre à une crise ».

 

 

Au cours de sa master class, Annika Hartmann a expliqué que les crises n’étaient pas seulement des moments difficiles, mais qu’elles constituaient aussi des périodes de changement et, donc, d’opportunités, Elle a présenté les outils et les stratégies que les entrepreneur-e-s peuvent mettre en œuvre pour se préparer à de telles situations.

Les entrepreneur-e-s sont là pour trouver des solutions, mais, pour y parvenir, ils doivent savoir faire preuve de résilience. Ceux qui ont développé cette capacité peuvent rebondir plus rapidement et plus sereinement que ceux qui ne l'ont pas fait. La bonne nouvelle, c’est que tout le monde peut renforcer sa capacité de résilience, mais, pour ce faire, « vous devez appliquer le principe du masque à oxygène et prendre soin de vous », a expliqué Annika Hartmann.

Elle a suggéré de prendre chaque jour du temps pour soi, au calme, afin de clarifier sa situation, son objectif, les valeurs guidant ses actions ainsi que la voie à suivre. Tenir un journal est un autre excellent moyen de se découvrir soi-même. Cependant, Annika Hartmann a averti les participant-e-s à la master class qu'il s'agissait d'un marathon, et non d'un sprint. Autrement dit, ces outils seront plus efficaces s'ils sont utilisés régulièrement et sur le long terme.

La résilience implique également des facteurs externes. Les liens sociaux, que ce soit au niveau personnel, professionnel ou communautaire, peuvent procurer un soutien essentiel. L'isolement est mauvais pour la santé et il est important de tendre la main aux autres.

Les participant-e-s à la master class ont également eu l'opportunité d'écouter trois jeunes originaires de pays en crise évoquer leurs propres stratégies d'adaptation. Antoine, du Liban, a raconté que lorsqu’il y a eu la révolution dans son pays en 2019, il avait trouvé utile de garder une distance saine par rapport aux nouvelles, de faire des temps calmes et de s'entourer de personnes avec lesquelles il avait des liens de solidarité. Toutefois, il n'était pas prêt à vivre la crise qui a suivi l'explosion de Beyrouth en août 2020. Ce qui l'a alors aidé, c'est de se joindre à d'autres pour nettoyer les rues, les églises et les maisons de la capitale. Grâce à cela, il a pu accepter ce qui s'était passé.

Sidra, de Syrie, a expliqué que la plupart des gens dans son pays vivaient en dessous du seuil de pauvreté, mais s’apitoyer sur son sort n'apporte rien. Ce qui lui a donné de la force, c’est de rédiger son journal intime, de se garder des moments de tranquillité et de tendre la main aux autres. Elle a trouvé d'autres jeunes qui, comme elles, voulaient changer les choses et, ensemble, ils ont mené des actions pour changer la perception du monde sur la Syrie et aider les personnes dans le besoin.

Enfin, Mark, de Biélorussie, a évoqué sa manière de manifester et d’exprimer sa solidarité pendant la période de troubles qui a suivi les élections dans son pays. « Quand vous le pouvez, aidez les autres, a-t-il dit, mais n'hésitez pas non plus à demander de l'aide lorsque vous en avez besoin ». Chacun peut trouver de la force et du soutien au sein de sa propre communauté.

Tout le monde pouvant mettre en œuvre de telles stratégies pour renforcer sa résilience, Annika Hartmann a conclu en disant aux participant-e-s de la master class qu'il leur appartenait désormais de créer leur propre boîte à outils pour survivre aux périodes de crise.

 

Photos & vidéo: E-SPACE

 

Annika Hartmann e-space masterclass Nov 2020

 

 

 

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La consolidation de la paix environnementale doit définir notre époque

Semaine pour la paix de Genève 2020

03/12/2020
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Semaine pour la paix de Genève 2020

 

En 2020, la Semaine pour la paix de Genève avait pour thème : « Rétablir la confiance après une perturbation : comment remettre la coopération internationale sur pied ? ». Dans le cadre de cet événement qui, chaque année, vient ponctuer le calendrier international de consolidation de la paix, Initiatives et Changement et le Centre de politique de sécurité de Genève ont organisé, le 6 novembre dernier, une table ronde virtuelle sur la consolidation de la paix environnementale.

115 personnes ont participé à cette table ronde, qui a été modérée par Anna Brach, responsable de la sécurité humaine au Centre de politique de sécurité de Genève, et organisée par Alan Channer spécialiste de l'environnement et de la consolidation de la paix au sein du programme d’I&C International, « Initiatives pour la terre, la vie et la paix ». Alan Channer travaille également pour le Dialogue de Caux sur l'environnement et la sécurité et l'Académie d'été pour la terre, la sécurité et le climat.

La table ronde portait sur la dynamique de la consolidation de la paix environnementale à travers trois études de cas, l’objectif étant de pouvoir reproduire les solutions existantes et les appliquer ailleurs.

Alan Channer a ouvert la séance en expliquant que, puisque la crise environnementale menace in fine la sécurité de chacun, il est crucial d’y apporter une réponse globale et collective. Il a évoqué les relations étroites qui furent nouées entre la France et l'Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, relations en partie favorisées par les conférences d’I&C à Caux en Suisse. « Outre une réconciliation entre les personnes, il fut alors décidé de coopérer pour gérer ensemble les ressources naturelles communes, a rappelé Alan Channer. À l’époque, l'intention du Premier ministre français Robert Schuman et d'autres hommes d'État était de renforcer la paix à long terme ».

« Nous pouvons envisager la construction de la paix environnementale de la même manière, a déclaré Alan Channer. Lorsque nous collaborons pour sauvegarder l'environnement naturel, dont nous sommes tous mutuellement dépendants, nous créons dans le même temps des liens pacifiques. La consolidation de la paix environnementale doit définir notre époque, faute de quoi ce sera la fin de l'histoire humaine ».

The session explored the dynamics of environmental peacebuilding through three case-studies with a view to replicating and scaling-up solutions.

Channer opened the panel by explaining that since the environmental crisis ultimately threatens eveyone’s security, it requires a global and collaborative response. He reflected on the strong relationship forged between France and Germany after the World War II, partly catalysed at IofC conferences in Caux, Switzerland. ‘As well as the reconciliation between individuals, there was a decision to collaborate on shared natural resources,’ Channer said. ‘The intention of French Prime Minister Robert Schuman and other statesmen of the time was to strengthen long-term peace.’

‘We can look at environmental peacebuilding in a similar way,’ Channer maintained. ‘When we strengthen collaboration to safeguard the natural environment, on which we are all mutually dependent, we also strengthen the bonds of peace. Environmental peacebuilding must come to define our era, or the human story will be over.’

Irene Ojuok

Irene Ojuok, jusqu'à peu spécialiste technique nationale de l'environnement et du changement climatique au sein de World Vision Kenya, a montré comment la dégradation des terres rendait la survie difficile pour une grande partie de la population rurale de son pays. Les gens ont faim, a-t-elle expliqué, « et une personne qui a faim est dangereuse ».

Les luttes pour les territoires et les ressources ont un impact sur tout le monde, y compris sur les enfants qui grandissent dans la violence et risquent plus tard de la perpétuer. « Il n’a pas été facile de convaincre les gens de restaurer leurs terres, parce qu'il faut parfois des années avant de percevoir les bénéfices d’un tel travail. Or c’est aujourd’hui que les gens ont besoin de manger », a-t-elle raconté. C’est la raison pour laquelle il faut absolument commencer par changer les mentalités. « Vous devez reverdir votre cœur avant de reverdir votre environnement et vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde ». Irene Ojuok a ensuite raconté que la régénération naturelle gérée par les agriculteurs (FMNR) avait permis aux communautés de rétablir leurs moyens de subsistance et d’avoir les outils pour gérer leurs terres de façon durable.

Bishnu Raj Upreti

Dr Raj Upreti, président exécutif de l'Institut de recherche politique du Népal, a, quant à lui, expliqué à quel point la sécheresse, les pluies intermittentes, les inondations, les avalanches et les glissements de terrain posaient de sérieux risques pour la sécurité du peuple népalais et que tout cela avait contribué à l’augmentation du nombre de conflits dans le pays. Il a présenté sa stratégie qui vise à rétablir la sécurité humaine en faisant le lien entre compétences et sagesse locales, d’une part, et politiques publiques, d’autre part. L’objectif est de rendre les institutions locales plus efficaces et plus responsables. Il a attribué le succès de cette stratégie à son approche collaborative.

Kelechi Eleanya

Enfin, Kelechi Eleanya, manager au sein d’EverGreening Network for Forest and Land Restoration (ENFORLAR) au Nigeria, a parlé de la communauté Akassa dans le delta du Niger, une région où l'extraction massive de pétrole a profondément endommagé l'environnement et remis en cause les moyens de subsistance des populations locales, ce qui a conduit à un conflit armé.

Kelechi Eleanya a présenté le « modèle Akassa » qui a été développé dans la région pour promouvoir la conservation locale et bâtir une paix durable. Il a notamment raconté qu’actuellement, ce modèle était dupliqué parce qu'il est très inclusif et qu’il implique une approche ascendante. Statoil/BP sont, d’ailleurs, impliqués dans le projet en guise de dédommagements à la communauté.

Ces études de cas, particulièrement inspirantes, montrent que, pour trouver des solutions durables aux problèmes écologiques, il est indispensable de mettre en place une coopération au niveau social. La reproduction et l’application de ces solutions dans un autre contexte dépendent de la coopération ; le travail de renforcement de la confiance pour sauvegarder notre avenir commun est donc plus urgent que jamais.

 

Découvrez le Dialogue de Caux sur l'environnement et la sécurité et l'Académie d'été sur la terre, la sécurité et le climat.

 

Rapport: Elodie Malbois & Alan Channer

Photo teaser: Leela Channer

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Avoir le courage d'apporter de l'espoir

Harshani Bathwadana, Sri Lanka

11/11/2020
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Harshani Bathwadana, Sri Lanka

 

Originaire du Sri Lanka, Harshani Bathwadana raconte comment elle a trouvé le courage d'apporter de l'espoir à des milliers de jeunes filles en contribuant à leur éducation.

Mon histoire est celle d'une transformation personnelle : alors que je n’avais aucun espoir, j’apporte désormais de l’espoir aux autres.

J'appartiens à une génération qui est née au cours d’un conflit armé. Même si nous n'avons pas été touché-e-s directement, nous vivions au jour le jour : si aujourd'hui se passait bien, alors nous pourrions songer à demain. Avec un père enseignant, on nous a appris à croire que l'éducation était la seule manière de nous en sortir, si bien que je ne pensais qu’à mes études. Mais, en tant qu'aînée de la famille, j'ai dû assumer un certain nombre de responsabilités.

Mon adolescence a été difficile parce que j’ai perdu l’un de mes parents, si bien que j’ai dû prendre en charge encore plus de responsabilités au sein de ma famille. J’ai eu du mal à concilier ce nouveau rôle avec mes études et je me suis souvent sentie perdue. Pendant longtemps, j’étais comme engourdie. Je ne savais pas exactement comment je me sentais et je cachais mes sentiments à mes proches. J’avais plusieurs visages, un pour répondre aux attentes de ma famille, un autre pour mes ami-e-s et un autre pour la société. Avoir de bonnes notes était toujours un moment agréable, car tout le monde célébrait mes résultats scolaires et mes sentiments, qui étaient déjà profondément enfouis, passaient peu à peu à l’arrière-plan.

Le temps passa et me voilà, avec mon master et un poste de cadre décroché à 25 ans. Ai-je prévu un tel avenir ? Est-ce que même je l’espérais ? J'essaie encore de comprendre ce que le mot « espoir » veut dire.

L’opportunité de participer au Programme de Caux pour la paix et le leadership (CPLP) s'est présentée de manière inattendue. Un ami, qui me voyait me perdre chaque jour un peu plus, m'a encouragée à postuler, m’assurant qu’à Caux, il y avait un espace sûr où chacun pouvait se retrouver. « Il y a quelque chose pour tout le monde là-bas », m’a-t-il promis. Et il avait raison : le CPLP a fait de moi la personne que je suis aujourd'hui. J’y ai trouvé l'espace dont j'avais besoin pour être qui je suis. J’y ai rencontré les personnes qui m'entourent aujourd'hui. Mais, surtout, j’y ai appris à m'aimer et à me connaître. Cette expérience a littéralement transformé mon existence. Je ne savais pas ; désormais, je sais. Je ne ressentais rien ; désormais, j’éprouve des sentiments. Je n’espérais rien ; désormais, j’ai de l’espoir.

Lors d'une expérience professionnelle en Afghanistan, j'ai rencontré une jeune fille d’environ 14 ans et dont la famille avait été terriblement affectée par la guerre. À la fin de notre conversation, elle m'a dit : « Vous voir ici me fait me sentir en sécurité ; cela me montre que je ne suis pas seule. Il y a un monde là-bas qui prend soin de moi ». De mon point de vue, je n'avais rien fait de spécial. J'étais là parce que c'était mon « travail », mais elle a vu la personne au-delà de l'employée qui lui parlait. Ce qu’elle m’a dit m'a beaucoup fait réfléchir et cela a transformé mon approche de la vie. Son expérience de survie et les besoins qui étaient les siens m'ont ébranlée et m'ont montré à quel point j'étais privilégiée. Cette jeune fille de 14 ans m'a poussée à poursuivre ce qui me semblait important pour réaliser le but de mon existence. Comment pouvais-je tirer parti de toutes mes relations et de toutes mes opportunités pour changer la vie d’autrui  ? Que faire pour faire la différence ?

Changez une vie et cela en changera des milliers. 

De retour au Sri Lanka, j'ai cherché à m'engager dans des activités susceptibles de changer la vie des gens. Je suis tombée sur Room to Read, une ONG internationale qui travaille dans le secteur de l'alphabétisation et de l'éducation et qui apporte aux jeunes filles le soutien dont elles ont grand besoin pour continuer à aller à l'école et réaliser leur potentiel en tant qu'êtres humains.

Lorsque des parents vous disent que leur fille est la première de la famille à terminer ses études secondaires ou à aller à l'université, il est difficile de retenir ses larmes. La vie ne consiste pas à cocher des cases qui vous rendent acceptable aux yeux des gens qui vous entourent. Il s'agit de savoir ce que votre cœur vous dit et de le suivre partout où il vous emmène.

Il faut avoir du courage pour apporter de l'espoir aux gens et à soi-même. Vous ne pouvez trouver ce courage en vous-même que si vous êtes motivé-e. Cette jeune Afghane m'a profondément ébranlée et m'a donné le courage de demander de l'aide, des conseils et du soutien. J'ai pu ouvrir mon cœur en sachant que personne ne me jugerait. Grâce à la voix de cette jeune fille, je peux désormais apporter de l'espoir à des milliers de jeunes filles.

Soyez cette fille pour quelqu'un ! Changez une vie et cela en changera des milliers. 

 

Si vous souhaitez participer à la conversation de suivi en ligne qui aura lieu le samedi 21 novembre 2020 à 14h00 CET  (13:00 GMT) avec les alumni du Programme de Caux pour la paix et le leadership et savoir plus sur Harshani et son histoire, vous pouvez vous inscrire en cliquant sur ce lien. 

Après votre inscriptions, vous recevrez un email avec toutes les informations nécessaires afin de pouvoir participer aux CPLP Talks. Vous trouverez les conditions générales ici.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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