2011: Lucette Schneider – Des choix qui font la magie de Caux
25/11/2021
Pendant de nombreuses années, la Suissesse Lucette Schneider a organisé l'équipe qui se réunissait tôt le matin pour nettoyer, éplucher et couper les légumes destinés aux cuisines du centre de conférences de Caux. Eliane Stallybrass, qui a été responsable des opérations à Caux de 2008 à 2012, la connaissait bien :
Ann Hartnell, une Canadienne qui a passé de nombreux étés à diriger des équipes de cuisine à Caux, a décrit Lucette Schneider comme étant presque invisible, tant elle était efficace et discrète dans la cuisine des légumes.
Lucette n'était pas grande et marchait d'une manière qui montrait qu'elle avait des problèmes de dos. Mais ce dont on se souvient le plus, c'est de son sourire chaleureux.
Elle était presque invisible, tant elle était efficace et discrète. Mais ce dont on se souvient le plus, c'est de son sourire chaleureux.
« Service » doit avoir été son second prénom. Elle et son mari possédaient une épicerie et magasin où l'on vendait aussi du fromage. (Elle s'offusquait de la façon dont les gens, à Caux au buffet du petit-déjeuner, se coupaient des tranches de fromage sans croûte, laissant les morceaux durs pour les derniers venus. Elle m'a montré qu'il fallait couper sa tranche jusqu'à la croûte y compris, pour que tout le monde ait la même portion de fromage et de croûte).
Alors que je travaillais à l'attribution des chambres pour les hôtes arrivant, notre équipe a décidé de proposer à Lucette de loger dans une chambre sur le devant avec vue sur le lac, car elle travaillait presque toute la journée dans la salle des légumes sans soleil et sans vue. Elle était totalement opposée à cette idée : « Vous devez laisser ces chambres aux nouveaux arrivants. Je sais comment est la vue. Je peux en profiter le reste de l'année ».
Lorsque Lucette a pris sa retraite, elle a décidé de se charger de la préparation des légumes, en mémoire de son mari. Il avait travaillé à l'Economat pendant de nombreux étés. Lucette arrivait sur son lieu de travail tôt le matin, trouvait la liste des légumes nécessaires ce jour-là et les pesait pour que son équipe puisse se mette au travail en arrivant.
Son équipe était hétéroclite : ceux qui venaient étaient tous des participant-e-s à la conférence, mais surtout ceux qui avaient réussi à se lever tôt ! Il s'agissait principalement de dames âgées ayant une grande expérience mais aussi d'hommes n'ayant jamais tenu un éplucheur de pommes de terre. Lucette se souvient avoir montré à un Africain à l'allure distinguée comment éplucher des oignons. Il s'est avéré qu'il était chirurgien et avait travaillé en Bosnie pendant la guerre qui sévissait là-bas.
Un autre volontaire était le philosophe russe Grigory Pomerants. Lucette a dû lui apprendre tout ce qui concerne l'épluchage et la manière de couper les légumes. En contrepartie, elle est allée écouter sa présentation, dont elle n'a compris que très peu de choses malgré la traduction. Elle trouvait que c'était un échange équitable!
Lucette avait le don de se faire des amis, bien qu'elle n'ait jamais réussi à apprendre l'anglais. Un jour, elle a avoué à mon mari, Andrew, qu'elle avait des problèmes avec un jeune homme qui participait à la conférence, Jorge. Elle n'aimait pas sa façon de s'habiller et était particulièrement gênée par sa coupe de cheveux à la mohicane. Il n'était pas Iroquois et elle trouvait donc que ce n'était pas correct. Lorsqu'elle était arrivée à Caux la première fois, les hommes portaient tous la cravate.
Mais elle n'était pas satisfaite d'avoir ces réactions et décida de chercher le positif chez Jorge. Elle avait remarqué qu'il avait un beau sourire. Elle demande alors à Andrew de leur fixer un rendez-vous, car ils ne parlent pas la même langue. Lucette arrive avec une barre de chocolat et Jorge lui explique pourquoi il est venu à Caux. A la fin du repas, ils se sont embrassés, Jorge ayant les larmes aux yeux.
J'ai rencontré Lucette quand j'étais enfant. Elle connaissait mes parents et nous a emmenés, ma sœur et moi, à Caux dans sa camionnette dans les années 1950 - probablement ma première visite. Des années plus tard, nous nous sommes croisées à la cafétéria et nous nous sommes liées d'une véritable amitié.
Nous sommes restées amies jusqu'à sa mort en 2018, à l'âge de 99 ans. Elle et Robert nous ont généreusement permis - et à beaucoup d'autres aussi - de passer des vacances dans leur petit chalet du Jura, où tout le monde dormait dans la même pièce et se lavait à l'évier de la cuisine, en utilisant l'eau chauffée sur le poêle à bois.
Un jour, Robert m'a dit : « Pour moi, il n'y a pas de sacrifices dans la vie. Seulement des choix. » Leurs choix faisaient partie de cette magie qui a rendu Caux possible.
Pour moi, il n'y a pas de sacrifices dans la vie. Seulement des choix.
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Cette histoire fait partie de notre série « 75 ans de récits » qui célèbre le 75ème anniversaire de l'I&C Suisse avec une histoire pour chaque année, de 1946 à 2021. Chaque histoire raconte comment une personne a trouvé l'inspiration et une nouvelle direction à Caux. Si vous souhaitez savoir plus sur les premières années d'Initiatives et Changement et sur le centre de conférence de Caux, cliquez ici et visitez la plateforme For A New World.
- Photos: Initiatives et Changement
- Photo du haut (provenant des archives) : Des dames allemandes nettoyant des légumes dans les cuisines de Caux.
- Relecture: Jean Fiaux