2019: Marc Isserles – « Il faut sauver les enfants »
21/12/2021
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Caux Palace (qui deviendra plus tard le centre de conférence d'Initiatives et Changement en Suisse), a servi de refuge aux juifs et juives fuyant la Shoah. Au fil des ans, certains d'entre eux - ou leurs descendants - sont revenus à Caux, où ils ont souvent été accueillis par Andrew Stallybrass. Il écrit :
Lors du Forum de Caux en 2019, Marc Isserles, un avocat genevois, a présenté un one-man-show émouvant qui décrivait un chapitre poignant de l'histoire du Caux Palace.
Durant l'été 1944, quatre trains par jour, sept jours sur sept, quittaient Budapest, transportant chacun environ 3 000 Juifs vers Auschwitz, entassés dans des wagons à bestiaux. L'objectif des nazis était d'exterminer toute la population juive de Hongrie, ainsi que des milliers d'autres originaires d'autres pays européens qui y avaient trouvé un fragile refuge
À la fin du mois de juin 1944, cependant, un train part pour la sécurité. Il transporte 1 600 passagers, une vraie arche de Noé, avec des représentants de tous les courants de la communauté juive, rabbins, orthodoxes et libéraux, sionistes et marxistes.
Un jeune avocat courageux de Transylvanie, Rudolf Reszö Israël Kastner, négocie directement avec Eichmann et fait monter sa femme et son beau-père dans le train pour convaincre les autres que celui-ci se dirige vers la vie et non vers la mort.
Le train doit se rendre en Palestine ou dans un pays neutre. Mais il va d'abord à Bergen-Belsen car Eichmann veut soutirer encore plus d'argent à ceux qui financent le voyage. Enfin, en décembre 1944, ses passagers arrivent à Caux. Les Juifs orthodoxes sont logés au Grand Hôtel, avec une cuisine casher, et les autres au Caux Palace. L'armée suisse prend soin d'eux.
Kastner retrouve sa famille à Caux, mais son histoire connaît une fin tragique. En 1947, il émigre en Israël. Là, il est accusé d'être corrompu et d'avoir trahi la cause juive et, en 1957, il est assassiné par un extrémiste.
Les grands-parents maternels de Marc Isserles sont arrivés à Caux en 1944, dans le groupe du train Kastner. Dans son one-man-show, Il faut sauver les enfants, il chante, danse et raconte des histoires, accompagné par deux musiciens Klezmer, Michel Borzykoswki et Sylvie Bossi. Le spectacle, d'une durée d'un peu plus d'une heure, est une célébration émouvante de l'« humanitude », un subtil mélange de son histoire personnelle, de l'histoire quasi-miraculeuse de sa famille, et de réflexions plus larges nos identités et notre humanité commune.
Alors que les derniers survivants et témoins directs disparaissent peu à peu, Marc Isserles a trouvé un moyen puissant de transmettre les histoires de la Shoah aux générations futures. Il a donné des représentations dans des écoles de Genève et d'autres sont prévues à Caux et dans des écoles locales.
Au fil des ans, un certain nombre de passagers du train, ou leurs enfants et petits-enfants, ont retrouvé le chemin de Caux. L'un d'eux, qui est revenu plusieurs fois, a écrit dans le livre d'or : « Ce séjour à Caux m'a permis d'être un enfant pour la première fois de ma vie ».
Par deux fois, j'ai montré à des hommes âgés l'endroit où ils étaient nés : leurs mères étaient enceintes lorsqu'elles sont arrivées à Caux et ont accouché à la Villa Maria, en face du Caux Palace.
En 1997, un arbre a été planté sur la terrasse du Caux-Palace lors d'une « heure du souvenir » et en 1999, une plaque a été installée sous l'arbre. Sur la plaque on peut lire: « En souvenir des réfugiés juifs qui ont séjourné ici, et de ceux qui n'ont pas été admis en Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous n'oublierons pas. ». L'une des plus jeunes personnes refoulées était une fillette de cinq ans qui a été gazée à Auschwitz.
Le maire de Montreux, Pierre Salvi, a pris la parole lors de l'inauguration de la plaque en 1999. En effet, au début de l'année 1945, Montreux a accueilli 4'000 blessés, déportés et réfugiés, dont ceux de Caux. Pierre Salvi a parlé du travail à la base des conférences de Caux visant à guérir les blessures du passé : « nous permettant d'envisager un avenir plus pacifique fait de tolérance, de pardon, d'amitié entre les peuples ».
Sur cette plaque, on ne voit pas seulement une liste. Derrière les noms, il y a des visages, des familles, des espoirs et des désespoirs. Des êtres humains.
- Marc Isserles -
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Shoshana Faire: Accueillir le « trop douloureux »
Je me suis rendue pour la première fois à Caux en provenance d'Australie en 2010, dans l'espoir de découvrir et de comprendre le travail de restauration de la paix d'Initiatives et Changement. Ce à quoi je ne m'attendais pas, c'était d'y découvrir une partie de l'histoire de ma propre famille.
J'ai découvert que mes grands-parents avaient été hébergés à Caux pendant la guerre, en tant que réfugiés de l'horreur de l'Holocauste.
Je savais qu'ils s'étaient échappés en payant pour monter dans un train au départ de Budapest, qui, au lieu de les emmener en Espagne pour qu'ils puissent aller en Palestine, les avait conduits au camp de concentration de Bergen-Belsen pendant cinq mois, puis finalement à la liberté en Suisse.Je ne savais pas qu'ils avaient finalement été amenés à Caux.
Le fait de voir leurs noms sur la liste des réfugiés hébergés à Caux m'a permis d'explorer l'histoire du train Kastner et de comprendre plus profondément leur expérience. Le fait que cet épisode de leur vie ait été commémoré par une plaque et un arbre dans le jardin de Caux signifie beaucoup pour moi.
Le spectacle si vivant et émouvant de Marc m'a permis d'accueillir cette partie de mon identité plutôt que de la cacher comme dans une boîte intérieure avec l'étiquette «Trop douloureux». Et aussi de m'approprier et de reconnaître en moi le traumatisme et le chagrin hérités du passé.
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Shoshana Faire est passionnée par la paix et par ce qu'il faut pour la créer. Elle a animé plus de 1 250 ateliers sur un éventail de compétences qui contribuent à améliorer les relations, les équipes et les réunions. Elle participe activement à Initiatives et Changement (IofC) depuis 2010 et est actuellement coordinatrice internationale de Créateurs de Paix.
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Regardez la rediffusion du one-man-show de Marc Isserles (2019)
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Cette histoire fait partie de notre série « 75 ans de récits » qui célèbre le 75ème anniversaire de l'I&C Suisse avec une histoire pour chaque année, de 1946 à 2021. Chaque histoire raconte comment une personne a trouvé l'inspiration et une nouvelle direction à Caux. Si vous souhaitez savoir plus sur les premières années d'Initiatives et Changement et sur le centre de conférence de Caux, cliquez ici et visitez la plateforme For A New World.
- Photos de sa famille: Shoshana Faire
- Photo train: Yad Vashem
- Toutes autres photos et vidéo: Initiatives et Changement
- Relecture: Claire Fiaux-Martin