Reconstruire la confiance en Europe
Des outils pour les acteurs et actrices du changement 2019
21/07/2019Le Caux Forum est un lieu où les personnes sont au centre ; c’est ce dont l’Europe a besoin aujourd’hui.
Barbara Hintermann, 14 juillet 2019
La première édition de la conférence « Des outils pour les acteurs et actrices du changement » s’est déroulée du 14 au 18 juillet 2019 au Caux Forum. Elle s’est appuyée sur les conclusions de la conférence « Pour relancer une Europe inachevée » et a marqué le début d’un nouveau cycle de conférences de trois ans sur l’Europe. Cette année, l’accent s’est porté sur les liens entre les identités personnelles et collectives en adoptant une approche axée sur l’humain. L’objectif était de montrer comment réécrire ensemble une histoire collective, qui se base sur la justice et les faits, pour faire face à la montée du populisme et du nationalisme en l’Europe.
Déconstruire notre identité personnelle
Lors des deux premières journées, la conférence a abordé le thème de l’identité comme facteur d’inclusion et d’exclusion. En effet, en donnant un sentiment d’appartenance à certains groupes, l’identité justifie également la xénophobie et le rejet de l’autre. Le sénateur Bogdan Klich, leader de l'opposition au Sénat polonais et vice-président de la Commission sénatoriale des affaires étrangères, a ainsi souligné le lien entre la montée des nationalismes, l’exclusion de certains groupes et l’érosion des systèmes démocratiques.
« Nous devons commencer à aller vers les personnes avec lesquelles nous sommes en désaccord, celles dont nous nous méfions ou avons peur, » a déclaré Jens J. Wilhelmsen, engagé dans le mouvement d’Initiatives et Changement. Ce processus doit se réaliser à la fois entre les générations – en engageant notamment les jeunes leaders – et entre les différentes cultures et religions, pour renforcer les mouvements transnationaux pour la démocratie et les droits humains.
Ces idées sont au cœur de deux programmes parallèles de la conférence : « Devenir un-e artisan-e de paix » et le Programme des jeunes ambassadeurs et ambassadrices (YAP) 2019.
Les partages d’histoires ont été utilisés comme des outils pour réfléchir à son propre parcours et approfondir ses connections aux autres. Mounir Beltaifa, Vice-président d’Initiatives et Changement international et fondateur de Bridgers One, Agnes Otzelberger, formatrice et facilitatrice, et Louie Gardiner, directrice de Presence In Action (PIA) Collective CIC et de Potent 6, ont abordé le thème de l’identité à partir de leurs changements personnels. Comprendre que nous sommes dépendant-e-s – des autres et de notre environnement – est un premier pas vers plus d’humilité et d’honnêteté, mais aussi vers une vie plus libre et porteuse de sens.
J'ai appris pour la première fois que pour guérir, j'ai besoin de l'autre ; pour guérir, j'ai besoin de mon ennemi.
Arshalouys Tenbelian, 16 juillet 2019
Explorer nos relations aux autres - notre histoire commune
Le deuxième thème de la conférence s’est porté sur l’évolution de nos sentiments et de notre identité en relation aux autres.
« Nous ne naissons pas en haïssant, nous apprenons à haïr ; et comme nous pouvons apprendre à haïr, nous pouvons apprendre à aimer » a déclaré Arshalouys Tenbelian, d’origine arménienne, spécialiste en communication et co-présidente de l’Initiative pour la paix arménienne, kurde et turque. En 2017, elle a rencontré Burak Han Çevik, d’origine turc, avocat spécialisé en immigration dans le bureau consulaire des affaires étrangères du Pays-Bas, dans le cadre du Caux Forum. Leur rencontre et le dialogue lui ont permis de transformer sa haine et de devenir pour la première fois amie avec un turc – « un ennemi ». Ensemble, ils ont poursuivi cette année le dialogue entre arméniens, kurdes et turcs, un programme qui cherche à remettre en question nos préjugés, pour construire la paix.
Pour aborder notre rapport à l’histoire et aux autres, l’art a également été présent tout au long de la conférence. L’artiste britannique Lynne Barker a exploré le concept de l’identité et des traditions à travers les poupées comme expression des mythes et valeurs d’une communauté (« Les poupées en costume national »), tandis que Mark Isserles s’est intéressé dans son spectacle « Il faut sauver les enfants » au thème de la mémoire. Il a raconté – en mêlant chants, témoignages et photographies – le parcours de ses grands-parents juifs d’origine hongroise jusqu’à Caux en 1944.
Reécrire une histoire collective
« Nous devons développer et raconter une nouvelle histoire ensemble » a déclaré John Bond, secrétaire d’Initiatives et Changement International et écrivain, introduisant ainsi le troisième thème de la conférence.
Après avoir montré l’impact de notre identité personnelle sur nos expériences, ainsi que l’influence des autres sur celle-ci, la plénière du mercredi 17 juillet a attiré l’attention sur l’importance de réécrire une histoire collective.
« Le monde vit à travers nos histoires… qui se réunissent pour former un récit global » a expliqué Jean Brown, fondatrice de Femmes Artisans de Paix. Elle était cette année responsable de l’un des cinq ateliers de formation avec Anne-Claire Frank-Seisay, également de Femmes artisans de Paix : « Promouvoir une nouvelle histoire ». Elles ont ainsi mis en avant le potentiel de chacun-e dans la création d’une nouvelle histoire. En pratiquant l’écoute profonde et croisant les perspectives, il devient possible de promouvoir l’intégrité et l’honnêteté sur le passé et de défendre la paix. Les valeurs au cœur de ce processus de réécriture sont le pardon, la justice et l’écoute.
D’autres ateliers de formation se sont appuyés notamment sur le théâtre avec Olena Rosstalna et Olha Boiko, sur le thème d'une « Présence dans l’Action » avec Louie Gardiner et Su Riddell, « Comment ne pas perdre son étincelle » avec Agnes Otzelberger et « Travailler avec la différence » avec Neil Oliver pour donner de nouveaux outils aux participant-e-s afin de pouvoir créer la confiance et la cohésion sociale dans leur communautés.
L'histoire, malgré sa douleur déchirante, ne peut pas être non vécue, mais lorsqu'elle est confrontée avec courage, n'a pas besoin d'être vécue à nouveau.
Maya Angelou
« Le changement commence avec moi ».
La première édition de la conférence « Des outils pour les acteurs et actrices du changement » a mis en avant le potentiel de chacun-e dans la promotion de la paix. « Le changement commence avec moi » : le changement commence par un travail sur notre identité et notre histoire – notre façon de la raconter et de la vivre, ainsi que de la poursuivre. Le changement est aussi intrinsèquement lié à nos relations aux autres. « Réécrire une histoire commune » est alors nécessaire pour développer la solidarité aux niveaux locaux, nationaux et internationaux. La deuxième édition de la conférence poursuivra ce thème en se concentrant sur le dialogue.
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Rapport: Apolline Foedit
Photos: Leela Channer