Le récit d’histoires : un outil précieux pour la guérison et la réconciliation
Des outils pour les acteurs et actrices du changement 2019
12/08/2019
Le spectacle solo poignant de Marc Isserles, Nous devons sauver les enfants, devient particulièrement réel lorsque l’on découvre que ses grands-parents, des réfugiés juifs, ont trouvé refuge au Caux Palace en 1945. La pièce a été jouée dans le cadre de la conférence Des outils pour les acteurs et actrices du changement. Son message est que vous devez vous réconcilier avec votre passé si vous souhaitez changer l’avenir.
Marc Isserles n’est pas la seule personne au Caux Forum de cette année dont la famille a vécu au Caux Palace pendant le Seconde Guerre mondiale, lorsque le palace servait de refuge aux minorités persécutées. Shoshana Faire marche également entre les murs où ses grands-parents cherchèrent un jour refuge.
Marc, avocat et musicien genevois, et Shoshana, artisane de paix et militante australienne, mènent des vies très différentes. Mais leur histoire commune a laissé Shoshana émue et “sans voix” après avoir vu la pièce de Marc. Son émouvante histoire de persécution était également l’expérience de ses grands-parents, a-t-elle déclaré.
Des personnes originaires du Moyen-Orient, d’Allemagne, et de plus loin encore, ont approché Marc après la pièce pour lui dire à quel point elles avaient été émues par son spectacle. Selon lui, c’est la preuve que les étiquettes et les catégories qui nous gouvernent ne devraient pas nous enlever notre capacité à être humain. La seule manière dont nous pouvons travailler pour la paix et la réconciliation c’est à travers des rencontres au niveau humain, indépendamment des intérêts, de la foi ou de l’ethnicité. Ce concept s’applique non seulement à la crise des réfugiés mais aussi aux sociétés ravagées par le conflit, de la Syrie au Tibet. Abattre les murs qui détruisent notre capacité à établir des relations avec les autres est la première étape pour lutter contre les crimes de haine, la violence et la discrimination.
Marc cite la comédie romantique My Big Fat Greek Wedding comme exemple de la nécessité de reconnaître les préjugés du passé, les étiquettes et les stéréotypes, afin de créer la paix. Nous devons comprendre et nous réconcilier avec ceux et celles qui ont été étiqueté-e-s comme « les autres ». Une des meilleures façons de le faire, selon Marc et Shoshana, est à travers le récit d’histoires.
Shoshana raconte son histoire en formant des artisans de paix. Marc raconte la sienne à travers la comédie musicale. Ils admirent tous deux le concept du récit d’histoires encouragé au Caux Forum et estiment qu’il est essentiel d’aider les générations émergentes à comprendre leur passé, de manière à pouvoir encourager le type de changement nécessaire. Apprendre les faits historiques à l’école et s’immerger dans la réalité d’une autre personne sont deux méthodes d’apprentissage très différentes avec deux résultats différents. Les histoires peuvent donner aux artisans du changement la compassion dont ils ont besoin pour créer un changement positif.
Le traumatisme rattaché à l’histoire de la famille de Shoshana explique pourquoi ces histoires n’étaient pas souvent évoquées dans sa famille. Elle me raconte à quel point il est important d’encourager la guérison des traumatismes et le récit d’histoires dès le plus jeune âge.
Pour aller de l’avant, Marc et Shoshana sont d’accord que le dialogue intergénérationnel est essentiel pour former la génération suivante d’« ambassadeurs de la tolérance ». Le récit d’histoires favorise l’empathie et l’ouverture vis-à-vis des autres. Les trois processus consistant à encourager le récit d’histoires personnelles, à briser les stéréotypes et à passer le flambeau sont ainsi inextricablement liés. Le Caux Forum encourage ces processus, et c’est pour quoi Marc et Shoshana reviennent chaque année.
Texte: Emma Beuster
Photos: Leela Channer