La consolidation de la paix environnementale doit définir notre époque
Semaine pour la paix de Genève 2020
03/12/2020
En 2020, la Semaine pour la paix de Genève avait pour thème : « Rétablir la confiance après une perturbation : comment remettre la coopération internationale sur pied ? ». Dans le cadre de cet événement qui, chaque année, vient ponctuer le calendrier international de consolidation de la paix, Initiatives et Changement et le Centre de politique de sécurité de Genève ont organisé, le 6 novembre dernier, une table ronde virtuelle sur la consolidation de la paix environnementale.
115 personnes ont participé à cette table ronde, qui a été modérée par Anna Brach, responsable de la sécurité humaine au Centre de politique de sécurité de Genève, et organisée par Alan Channer spécialiste de l'environnement et de la consolidation de la paix au sein du programme d’I&C International, « Initiatives pour la terre, la vie et la paix ». Alan Channer travaille également pour le Dialogue de Caux sur l'environnement et la sécurité et l'Académie d'été pour la terre, la sécurité et le climat.
La table ronde portait sur la dynamique de la consolidation de la paix environnementale à travers trois études de cas, l’objectif étant de pouvoir reproduire les solutions existantes et les appliquer ailleurs.
Alan Channer a ouvert la séance en expliquant que, puisque la crise environnementale menace in fine la sécurité de chacun, il est crucial d’y apporter une réponse globale et collective. Il a évoqué les relations étroites qui furent nouées entre la France et l'Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, relations en partie favorisées par les conférences d’I&C à Caux en Suisse. « Outre une réconciliation entre les personnes, il fut alors décidé de coopérer pour gérer ensemble les ressources naturelles communes, a rappelé Alan Channer. À l’époque, l'intention du Premier ministre français Robert Schuman et d'autres hommes d'État était de renforcer la paix à long terme ».
« Nous pouvons envisager la construction de la paix environnementale de la même manière, a déclaré Alan Channer. Lorsque nous collaborons pour sauvegarder l'environnement naturel, dont nous sommes tous mutuellement dépendants, nous créons dans le même temps des liens pacifiques. La consolidation de la paix environnementale doit définir notre époque, faute de quoi ce sera la fin de l'histoire humaine ».
The session explored the dynamics of environmental peacebuilding through three case-studies with a view to replicating and scaling-up solutions.
Channer opened the panel by explaining that since the environmental crisis ultimately threatens eveyone’s security, it requires a global and collaborative response. He reflected on the strong relationship forged between France and Germany after the World War II, partly catalysed at IofC conferences in Caux, Switzerland. ‘As well as the reconciliation between individuals, there was a decision to collaborate on shared natural resources,’ Channer said. ‘The intention of French Prime Minister Robert Schuman and other statesmen of the time was to strengthen long-term peace.’
‘We can look at environmental peacebuilding in a similar way,’ Channer maintained. ‘When we strengthen collaboration to safeguard the natural environment, on which we are all mutually dependent, we also strengthen the bonds of peace. Environmental peacebuilding must come to define our era, or the human story will be over.’
Irene Ojuok, jusqu'à peu spécialiste technique nationale de l'environnement et du changement climatique au sein de World Vision Kenya, a montré comment la dégradation des terres rendait la survie difficile pour une grande partie de la population rurale de son pays. Les gens ont faim, a-t-elle expliqué, « et une personne qui a faim est dangereuse ».
Les luttes pour les territoires et les ressources ont un impact sur tout le monde, y compris sur les enfants qui grandissent dans la violence et risquent plus tard de la perpétuer. « Il n’a pas été facile de convaincre les gens de restaurer leurs terres, parce qu'il faut parfois des années avant de percevoir les bénéfices d’un tel travail. Or c’est aujourd’hui que les gens ont besoin de manger », a-t-elle raconté. C’est la raison pour laquelle il faut absolument commencer par changer les mentalités. « Vous devez reverdir votre cœur avant de reverdir votre environnement et vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde ». Irene Ojuok a ensuite raconté que la régénération naturelle gérée par les agriculteurs (FMNR) avait permis aux communautés de rétablir leurs moyens de subsistance et d’avoir les outils pour gérer leurs terres de façon durable.
Dr Raj Upreti, président exécutif de l'Institut de recherche politique du Népal, a, quant à lui, expliqué à quel point la sécheresse, les pluies intermittentes, les inondations, les avalanches et les glissements de terrain posaient de sérieux risques pour la sécurité du peuple népalais et que tout cela avait contribué à l’augmentation du nombre de conflits dans le pays. Il a présenté sa stratégie qui vise à rétablir la sécurité humaine en faisant le lien entre compétences et sagesse locales, d’une part, et politiques publiques, d’autre part. L’objectif est de rendre les institutions locales plus efficaces et plus responsables. Il a attribué le succès de cette stratégie à son approche collaborative.
Enfin, Kelechi Eleanya, manager au sein d’EverGreening Network for Forest and Land Restoration (ENFORLAR) au Nigeria, a parlé de la communauté Akassa dans le delta du Niger, une région où l'extraction massive de pétrole a profondément endommagé l'environnement et remis en cause les moyens de subsistance des populations locales, ce qui a conduit à un conflit armé.
Kelechi Eleanya a présenté le « modèle Akassa » qui a été développé dans la région pour promouvoir la conservation locale et bâtir une paix durable. Il a notamment raconté qu’actuellement, ce modèle était dupliqué parce qu'il est très inclusif et qu’il implique une approche ascendante. Statoil/BP sont, d’ailleurs, impliqués dans le projet en guise de dédommagements à la communauté.
Ces études de cas, particulièrement inspirantes, montrent que, pour trouver des solutions durables aux problèmes écologiques, il est indispensable de mettre en place une coopération au niveau social. La reproduction et l’application de ces solutions dans un autre contexte dépendent de la coopération ; le travail de renforcement de la confiance pour sauvegarder notre avenir commun est donc plus urgent que jamais.
Découvrez le Dialogue de Caux sur l'environnement et la sécurité et l'Académie d'été sur la terre, la sécurité et le climat.
Rapport: Elodie Malbois & Alan Channer
Photo teaser: Leela Channer