Culture, origines et liberté
08/01/2021
Sebastian Hasse, qui a grandi au moment de la réunification près de la frontière entre l'ancienne Allemagne de l'Ouest et de l'Est, réfléchit à la culture, aux émotions et à leur impact sur nos vies.
Alors même que je veux évoquer mes racines culturelles, voilà que je les ressens à nouveau, cette réticence et cette colère refoulée, cette impuissance et ce chagrin non exprimé. Depuis toujours, j'essaie de me libérer de cet héritage qui m'a tant donné d'un côté et a tant nié ma personnalité de l'autre.
J'ai grandi au sein d’une famille mixte dans une ville moyenne d’Allemagne de l'Ouest, située près de la frontière avec la RDA. À l’époque, les familles mixtes n'étaient pas si courantes. Nous étions néanmoins une famille très classique : mon père gagnait de l'argent, pendant que ma mère s’occupait de nous. Comme mes quatre sœurs, je suis allé dans un lycée traditionnel. Au départ, j'ai eu un mal fou à m'identifier à cet établissement. Je préférais aller à l’atelier de musique de l’école. C’est d’ailleurs là, lors d'un échange franco-allemand, que j'ai rencontré ma première petite amie.
La réunification allemande a été l'événement politique et culturel central de mon enfance, aussi bien en raison des défis sociaux qu’elle engendrait qu’à cause de ce que cela signifiait pour ma famille. Ma belle-mère, qui m'avait adopté quand j'avais environ deux ans, était originaire d’Allemagne de l’Est, où elle avait passé deux ans en prison en tant que prisonnière politique. Mais nous n'en avons jamais vraiment parlé à la maison. Nous n'exprimions jamais véritablement nos sentiments. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de sentiments ni que je n'étais pas aimé par ma famille. Mais je me souviens qu'enfant, on n'ait souvent pas géré mes difficultés émotionnelles comme il le fallait. Aujourd'hui, je sais que la génération de mes parents et celle de mes professeurs en étaient incapables, tout simplement parce que les générations précédentes ne leur avaient pas appris à gérer ce genre de situations. Ces générations-là avaient vécu deux Guerres mondiales et en étaient responsables.
Toute empreinte est culturelle. La culture est globale et les personnes qui vous éduquent ne peuvent pas plus que vous échapper à leur propre empreinte culturelle. Il est injuste de ne pas pouvoir changer ce qui vous a façonné, a fortiori dans la petite enfance. Cela vous blesse et vous empêche d’avancer. S'en libérer est littéralement l'œuvre de toute une vie.
Ce sont précisément ces rencontres qui m'ont permis de grandir encore et encore, tant dans la compréhension de moi-même que dans mon ouverture au monde.
Grâce à ce travail sur moi-même, je me suis toujours senti entre de bonnes mains à Caux. J'y ai rencontré presque exclusivement des gens qui trouvaient ça aussi important que moi et qui y aspiraient autant que moi. Plus tard, j'ai compris que ce sentiment ne se limitait pas à Caux, mais qu’il y est particulièrement intense. Néanmoins, je chéris chaque moment que j'ai pu passer là-bas, que ce soit dans le cadre des conférences du Caux Forum ou du Programme de Caux pour la paix et le leadership.
La rencontre de personnes ayant des racines culturelles différentes des miennes m'a questionné et m'a submergé à maintes reprises. Mais ce sont précisément ces rencontres qui m'ont permis de grandir encore et encore, tant dans la compréhension de moi-même que dans mon ouverture au monde. Elles m'ont révélé ce que je possède déjà et aussi ce qui me manque encore. Elles m'ont rendu fier de mon héritage et m'ont fait comprendre mon désespoir face à tout ce qui me manquait dans mon enfance. Et ce sont précisément ces rencontres interculturelles qui me procurent aujourd’hui une joie de vivre totale.
Le parcours de Sebastian Hasse n’est pas une ligne droite. Après avoir entamé des études en informatique dans sa ville natale, Lübeck, Sebastian Hasse réalise rapidement que ce diplôme ne le rend pas heureux. Il s’engage alors dans une carrière d'acteur, se tourne vers le cinéma avant de revenir finalement à l'informatique en tant que consultant au sein de l'entreprise familiale. Il est le premier président d'une petite ONG basée sur le bénévolat à Berlin qui se concentre sur l'éducation non formelle des jeunes adultes en Europe centrale et orientale. C’est grâce à différentes rencontres internationales que Sebastian Hasse a découvert I&C et s’est rendu à Caux. Son séjour l’incite à se former à la médiation et à participer en 2019 au Programme de Caux pour la paix et de leadership. Sebastian aime les histoires et est convaincu que les paradoxes et les perspectives contradictoires constituent une part essentielle de l’être humain.
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