Le climat et l'économie dans le monde post-COVID
Par Karina Cheah et Irina Fedorenko
13/05/2020
Alors que le confinement et les restrictions de voyage liés à la pandémie commencent lentement à s'atténuer et qu'un retour à la vie normale semble se rapprocher, nous nous trouvons à un moment critique. Notre façon d’agir sera déterminante pour l’environnement La propagation du nouveau coronavirus a mis en lumière certains des effets à long terme des pressions exercées par l'homme sur la nature et il nous appartient de faire le bon choix pour préserver notre planète dans la réalité post-pandémique.
Il n’existe aujourd’hui aucun doute quant à la contribution du confinement mondial à l’assainissement de l'air et à l’accélération des innovations dans les chaînes d'approvisionnement alimentaire et dans le secteur des soins de santé. Le virus a également suscité des critiques croissantes à l'égard du commerce mondial des espèces sauvages (qui, selon le Fonds mondial pour la nature, WWF, représente environ 20 milliards de dollars par an). Ce commerce nous met en effet en contact avec des animaux et des habitats auxquels nous n'étions pas exposés auparavant. Selon le Dr Ben Embarek, du département de la nutrition et de la sécurité alimentaire de l'Organisation mondiale de la santé, le nombre de maladies jusqu'alors inconnues liées à de nouveaux contacts entre les humains et les animaux est en augmentation. Il conseille de réglementer davantage le commerce des animaux sauvages afin d'éviter que des crises sanitaires similaires ne se reproduisent à l'avenir. Une telle réglementation serait également une étape essentielle pour préserver la biodiversité et protéger les animaux menacés par le commerce illégal. Au moment où nous écrivons ces lignes, des interdictions temporaires ont été décrétées en Chine : une grande victoire pour les personnes qui défendent les droits des animaux.
Ces effets positifs, en particulier la diminution des émissions de carbone et de gaz à effet de serre, peuvent servir de tremplin à de futures politiques durables, mais ce ne sera pas facile. Selon Kimberly Nicholas, chercheuse en sciences de la durabilité à l'université de Lund en Suède, les recherches en sciences sociales montrent que les interventions sont plus efficaces en période de changement. Cela suggère que le moment est venu - à un moment critique de l'histoire - d'intervenir en faveur de l'environnement. Mais la fermeture du monde, à l'exception du secteur de la santé et des entreprises essentielles, qui s’accompagne de l’immobilisation de l'économie, entraîne une grande incertitude et un profond malaise. Lorsque les nuages se dissiperont enfin, les gouvernements s'attacheront immédiatement à relancer l'économie et à remettre les industries sur les rails pour éviter de prolonger la plus grande récession mondiale depuis la crise financière de 2008. Cette situation met en péril la politique à long terme en matière de changement climatique, qui risque d'être reléguée au bas de la liste des priorités politiques.
De nombreux expert-e-s affirment que l'impact à long terme de la pandémie sur le climat dépendra de la manière dont les pays et les entreprises réagiront à la crise économique une fois les restrictions levées, car les politiques visant à éviter le changement climatique nécessitent des changements majeurs au niveau des infrastructures et de la société. L'Agence internationale de l'énergie a déclaré que les conséquences du virus affaibliront les investissements dans les énergies propres et les efforts de réduction des émissions. Elle a également ajouté que les gouvernements ne tiendront très probablement pas compte du réchauffement climatique dans leurs plans de relance pour l'économie. Jacqueline Klopp, codirectrice du Centre pour le développement urbain durable de l'Université de Columbia à New York, souligne cependant que la pandémie pourrait être un signal d'alarme pour les politicien-ne-s et les gouvernements, qui devraient prendre conscience que d'autres menaces pour l'humanité, dont le changement climatique, pourraient être tout aussi dévastatrices et qu'il est essentiel de mettre en place des mesures de protection dès maintenant.
Il ne fait aucun doute que le développement économique qui intègre la durabilité à long terme nécessite un certain nombre de changements infrastructurels, que nous soyons ou non en récession. Mais en cette période où nous pouvons constater les effets – et les avantages - des pratiques plus durables (bien que dans des circonstances que personne n'a demandées ou attendues), la pression pour agir est critique. Le professeur Paul Monks, spécialiste de la pollution atmosphérique, affirme que les améliorations que nous avons déjà constatées - surtout en ce qui concerne la qualité de l'air au niveau mondial - nous obligent à réaliser que nous avons un énorme potentiel pour ce qui est des changements que nous pouvons apporter à nos modes de vie et à nos habitudes de travail. Les réponses communautaires et la pression exercée sur les gouvernements locaux et nationaux peuvent s'avérer cruciales. Voulons-nous revenir au statu quo et continuer à augmenter les risques à long terme pour l'humanité, ou voulons-nous nous lancer dans la difficile mais temporaire tâche de modifier les infrastructures afin de mettre notre planète et les générations futures sur une voie meilleure et plus verte ?
Comment pouvons-nous créer un meilleur système qui soit juste pour les personnes et respectueux de la nature ? Quel rôle l'innovation y jouera-t-elle et comment la société civile et les décideurs et décideuses politiques peuvent-ils et elles influer sur ce changement ? Nous pensons que nous devons profiter de cette crise pour opérer un changement systématique pour les personnes et pour la planète.
Nous traiterons de ces questions et d'autres sujets lors de notre Dialogue de Caux sur l'environnement et la sécurité, qui se déroulera en ligne du 1er au 4 juillet 2020. Rejoignez notre communauté si vous voulez participer à ce changement !
Karina Cheah est stagiaire en communication à I&C Suisse, où elle participe également au Dialogue de Caux sur l'environnement et la sécurité et à l'Académie d'été sur les terres, la sécurité et le climat.
Irina Fedorenko est la Directrice opérationnelle du Dialogue de Caux pour l'environnement et la sécurité.