2002: Erika Utzinger - 200 mètres d'histoire
29/10/2021
Les archives du Centre de conférences et de séminaires de Caux, désormais détenues par le canton of Vaud, sont une source inépuisable d'informations précieuses. L'archiviste suisse Eliane Stallybrass décrit le travail de préservation de l'histoire de Caux pour l'avenir, qui a commencé par la détermination d'une femme.
Erika Utzinger (photo du haut dans le pull-over vert clair) ne faisait pas beaucoup de bruit. Elle n'a probablement jamais pris la parole depuis l'estrade du Caux Palace, mais son travail a mis le Centre de conférences et de séminaires de Caux sur la carte pour les générations à venir.
En tant que collaboratrice à plein temps du Réarmement moral (aujourd'hui Initiatives et Changement/I&C), elle a effectué des travaux de secrétariat pour plusieurs personnes (des hommes !) pendant de nombreuses années. Quand elle a vu tous les documents et papiers qu'ils manipulaient elle fut convaincue qu'il ne fallait pas les laisser perdre.
En 1961, elle a commencé à rassembler tous les documents écrits sur lesquels elle pouvait mettre la main : lettres, rapports, journaux...
Elle a trouvé un endroit dans le couloir du troisième étage, à côté des bureaux, pour stocker ces documents. Serge Borel, de Suisse, l'a aidée en construisant des étagères et un système de dossiers suspendus, qu'elle a étiquetés. Elle a commencé à ranger chaque papier au bon endroit, par année, par sujet, par personne. C'est un travail énorme. Elle a suivi un cours sur la gestion des archives. Patiemment, année après année, elle a rassemblé tout ce qui traînait, créant ainsi un fonds extraordinaire de matériel très international.
Elle ne faisait pas beaucoup de bruit. Mais son travail a mis le Centre de conférences et de séminaires de Caux sur la carte pour les générations à venir.
Ce n'était pas toujours facile pour elle. Les gens ne comprenaient pas pourquoi elle faisait cela. Il semblait plus important de s'occuper du présent que du passé. Mais lorsqu'ils avaient besoin d'un document, beaucoup se rendaient aux archives et se servaient, au grand désespoir d'Erika.
En 1997, j'ai quitté mon travail à plein temps avec IofC et j'ai cherché un emploi. C'était difficile. Mais l'archiviste de la ville de Genève, Micheline Tripet, qui avait travaillé avec le Réarmement moral à ses débuts à Caux, m'a aidée à trouver un emploi consistant à trier des papiers pour une famille genevoise bien connue.
Au début, je n'étais pas très enthousiaste. Les archives étaient de vieux papiers entreposés dans un endroit étouffant ! Mais j'ai découvert combien cela pouvait être fascinant. Un des pionniers d'IofC en Suisse, Daniel Mottu, m'a également demandé de m'occuper de ses papiers.
Je me suis donc intéressée aux archives de Caux et j'ai visité l'endroit où Erika travaillait si assidûment. Elle espérait que je prenne sa relève. J'ai dû la décevoir. Puis Micheline nous a suggéré de donner nos archives aux Archives cantonales vaudoises (ACV). Nous ne savions pas du tout que c'était possible.
Au début, je n'étais pas très enthousiaste. Les archives étaient de vieux papiers entreposés dans un endroit étouffant ! Mais j'ai découvert combien cela pouvait être fascinant.
Nous avons donc invité le directeur des ACV, Gilbert Coutaz, à Caux. Il a regardé les mètres de dossiers suspendus et a dit qu'il prendrait le lot. Erika et moi avons donc passé deux ans à indexer tous les documents selon les règles de l'ACV et avons finalement donné les 160 premiers mètres linéaires aux Archives vaudoises en 2002.
Un bel événement a eu lieu en présence des autorités locales et Erika a été dûment remerciée. Gilbert Coutaz a déclaré : "Le Réarmement moral revient en terre vaudoise". Cornelio Sommaruga, alors président de la Fondation suisse d'Initiatives et Changement, avait soutenu le projet et l'a salué comme une preuve de la volonté d'ouverture et de transparence d'IofC.
Nous avons maintenant atteint les 200 mètres, et ce n'est pas fini. Lorsque Gilbert Coutaz a découvert que nous avions des films, des enregistrements de réunions, les paroles et la musique de 548 chansons, et bien d'autres choses encore, il nous a encouragés à tout donner. Maintenant, je m'occupe des photos, ce qui est parfois un casse-tête, car beaucoup d'entre elles ne comportent aucun détail sur leur auteur, leur date de prise de vue et les noms des personnes photographiées !
Mais nous voyons déjà les fruits de ce travail. Plusieurs étudiants ont fait des recherches sur le Réarmement moral dans les Archives vaudoises. Le dernier en date est Cyril Michaud, qui vient de terminer sa thèse de doctorat sur " Le Réarmement moral sur le sol suisse. De 1932 à 1969". Il s'agit de la première de deux thèses financées par le Fonds fédéral suisse pour la recherche scientifique. La seconde, d'Audrey Bonvin, couvre la période à partir de 1970 et sera présentée dans quelques semaines.
Initiatives et Changement et le Centre de conférences et de séminaires de Caux entrent véritablement dans l'histoire.
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Cette histoire fait partie de notre série « 75 ans de récits » qui célèbre le 75ème anniversaire de l'I&C Suisse avec une histoire pour chaque année, de 1946 à 2021. Chaque histoire raconte comment une personne a trouvé l'inspiration et une nouvelle direction à Caux. Si vous souhaitez raconter votre histoire ou celle d'une personne que vous connaissez, merci d’envoyer vos idées par e-mail à John Bond ou Yara Zhgeib. Si vous souhaitez savoir plus sur les premières années d'Initiatives et Changement et sur le centre de conférence de Caux, cliquez ici et visitez la plateforme For A New World.
- Photos: Initiatives et Changement et Eliane Stallybrass
- Article journal: 24 heures (28 février 2002)
- Relecture: Jean Fiaux