1998 : Ningali Cullen - Un voyage de guérison
Par John Bond
13/10/2021
Lorsque Ningali Cullen arrive à Caux en 1998, elle apporte des nouvelles d'un mouvement populaire croissant en Australie visant à reconnaître la vérité sur l'histoire de leur pays.
Ningali a été retirée de sa famille à l'âge de quatre ans dans le cadre des polititiques gouvernementales visant à assimiler les Aborigènes à la communauté blanche australienne. « J'ai été élevée dans le cadre d'une mission », a-t-elle déclaré. « J'ai suivi une formation d'infirmière et j'ai fait tout ce qui était accepté par une société qui voulait que nous soyons différents de ce que nous étions à la naissance - des Aborigènes. Pendant des années, je ne savais pas à quoi j'appartenais ».
À l'âge de 28 ans, elle retrouve sa mère. Mais peu après, celle-ci, traitée avec une hostilité raciale dans une ville de campagne australienne, s'égare dans le désert et on ne la reverra jamais. Pour Ningali, le traumatisme a recommencé.
Des dizaines de milliers d'enfants aborigènes ont été retirés de leurs familles, certains aussi récemment que dans les années 1970. La plupart des Australiens blancs considéraient cette politique comme bien intentionnée et inoffensive. Puis, en 1997, une enquête sur les politiques de retrait a révélé des résultats tragiques.
« Entendre les histoires de 500 Aborigènes m'a transformé », a déclaré le président de l'enquête, Sir Ronald Wilson, « et si cela peut me changer, cela peut changer l'Australie ». Il a appelé à l'instauration d'un Sorry Day, pour présenter des excuses à la communauté aborigène. Le gouvernement a rejeté cette proposition.
Cependant, comme l'a dit Ningali à Caux, « Douze mois après la publication du rapport, un jour de pardon national a été organisé en Australie. Et je suis heureuse de dire qu'il s'agissait d'une initiative populaire ». Le refus du gouvernement de présenter des excuses a poussé un million d'Australiens à agir, et des centaines de manifestations communautaires ont rassemblé des Australiens aborigènes et blancs dans la tristesse, les excuses et l'engagement de construire une nouvelle relation.
Si cela peut me changer, cela peut changer l'Australie.
« La journée nationale des excuses (Sorry Day) a été la dernière étape de ma guérison, car elle a permis de reconnaître la douleur » a déclaré Ningali. « Elle nous a donné la permission de faire notre deuil ensemble. Parler, écouter, partager - c'est ma vision de l'Australie ».
Elle nous a donné la permission de faire notre deuil ensemble. Parler, écouter, partager - c'est ma vision de l'Australie.
À son retour de Caux, Ningali rencontre des représentants des générations volées de toute l'Australie et leur demande de saisir l'occasion de guérir les blessures causées par les politiques de séparation. Beaucoup sont d'accord avec elle, et bientôt, les Stolen Generations (Générations Volées) invitent le peuple australien à rejoindre un Journey of Healing (Voyage de Guérison) et à prendre en charge le travail de guérison que le gouvernement ignore.
Au cours des dix années suivantes, des milliers de personnes ont œuvré à la guérison par une multitude de moyens pratiques. En 1999, Ningali a été élue à la présidence du Journey of Healing et a dirigé avec franchise une campagne qui, en mobilisant des personnes de tout l'éventail politique, a même gagné le respect de nombreux députés du gouvernement.
Chaque année, les leaders des Générations Volées viennent à Caux, partagent leur combat et acquièrent de nouvelles idées.
En 2007, le gouvernement australien a été battu aux élections nationales et le nouveau Premier ministre, Kevin Rudd, a annoncé qu'il allait présenter des excuses. « L'opposition se joindra-t-elle à moi ? » a-t-il demandé. Après un débat animé, le parti - qui s'était opposé pendant 11 ans à la présentation d'excuses - a changé de politique.
Ces excuses parlementaires unanimes ont été un événement profondément émouvant pour l'Australie, suivi par des millions de personnes dans tout le pays. Elles ont permis de consacrer plusieurs milliards de dollars à la transformation de la condition sociale des Aborigènes d'Australie.
Lorsque Kevin Rudd s'est rendu à Caux en 2012, il a évoqué le travail de base communautaire (Sorry Day et Voyage de Guérison) comme une préparation essentielle au changement, à un moment où les obstacles politiques semblaient insurmontables. Cette base était nécessaire pour que le projet se propage dans l'ensemble de la communauté. Le mérite de ce travail revient en grande partie à Ningali Cullen.
Cette histoire est racontée plus en détail dans "Sorry and Beyond : Healing the Stolen Generations" de Brian Butler et John Bond, publié cette année par l'Institute for Aboriginal and Torres Strait Islander Studies, Canberra, avec un avant-propos de Kevin Rudd. Il est également disponible dans le monde entier sous forme de livre électronique.
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Regardez le discours de Kevin Rudd à Caux en 2013 : Les excuses australiennes : Le processus de guérison
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Voir plus :
- The Apology, produit par Indigenous Film Services, 2014.
- Sorry, Kevin Rudd's Apology to "The Stolen Generation", Channel 10 (sur YouTube)
Lire la suite :
- Sorry and Beyond par John Bond et Brian Butler
- Si tout le monde s'en souciait, Autobiographie de Margaret Tucker
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Cette histoire fait partie de notre série « 75 ans de récits » qui célèbre le 75ème anniversaire de l'I&C Suisse avec une histoire pour chaque année, de 1946 à 2021. Chaque histoire raconte comment une personne a trouvé l'inspiration et une nouvelle direction à Caux. Si vous souhaitez raconter votre histoire ou celle d'une personne que vous connaissez, merci d’envoyer vos idées par e-mail à John Bond ou Yara Zhgeib. Si vous souhaitez savoir plus sur les premières années d'Initiatives et Changement et sur le centre de conférence de Caux, cliquez ici et visitez la plateforme For A New World.
- Photo en haut: Ningali Cullen with renowned Aboriginal footballer Michael Long: John Bond
- Photo en haut à gauche (Ningali Cullen en train de parler): photographe inconnu
- Photo Sorry Day Committee 2004: photographe inconnu
- Vidéo Kevin Rudd on the Australian Apology: The Process of Healing: Initiatives et Changement
- Relecture: Claire Fiaux-Martin