Communiqué: La terre au service de la Paix et de la Sécurité
Dialogue de Caux sur la terre et la sécurité 2017
20/07/2017
Du 11 au 13 juillet 2017, des hauts représentants de gouvernements, parlements, organisations internationales et ONG, secteur des affaires, des médias et de la finance, venus d’Afrique, d’Asie, d’Europe et des Amériques, se sont réunis dans le centre de conférences Caux Palace, un lieu où depuis 70 ans se nouent des relations basées sur la confiance et où se vit la réconciliation, à commencer par celle entre la France et l’Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ils se sont engagés en faveur du changement, pour développer à grande échelle la restauration des plus de 2 milliards d'hectares de terres dégradées à travers le monde et poursuivre l’objectif d’une neutralité en matière de dégradation des terres d’ici 2030.
De façon à préserver à la fois les populations locales et l’environnement, ils ont souligné la nécessité d’une restauration allant au-delà du simple objectif de durabilité. Il s’agit d’une question de justice et de sécurité. Aujourd’hui, près de la moitié des conflits en cours, dans des régions vulnérables ou aux économies fragiles, découlent de différends liés à l’accès aux ressources et causés par des dégradations environnementales. Souvent, ils résultent de la répartition inégale des ressources et des richesses, un phénomène qui remonte à l’époque coloniale mais qui a perduré après l’indépendance. La perte de terres productives et de moyens d’existence, aggravée par le changement climatique, la désertification et la croissance démographique, constitue un facteur majeur de migration forcée, un phénomène qui risque de s’amplifier au cours des prochaines décennies. Les zones affectées par la sécheresse ont doublé depuis 1970.
Rendre à la terre sa capacité écologique accroît la production de ressources et favorise la paix. C’est aussi une contribution décisive à la mise en œuvre des objectifs de développement durable tout en aidant les pays à réaliser les engagements pris lors de l’Accord de Paris. Les besoins et les possibilités sont énormes, tout comme l’est le travail à faire. Beaucoup peut être accompli avec des techniques à haute intensité de main d’œuvre, simples et déjà connues. Les défis les plus importants à relever sont d’ordre social et financier. Il est évident que le succès dépend de la qualité de la communication faite sur les enjeux de la restauration.
Le Dialogue de Caux sur la Terre et la Sécurité demande aux responsables et aux parties prenantes de :
1. Répondre à la nécessité urgente d’un changement au niveau des systèmes (y compris dans les secteurs de la gouvernance, des investissements, de l’emploi, de la prévention et de la résolution de conflits) plutôt que d’apporter des améliorations graduelles à la situation. Cette transformation doit viser à repenser le contexte des investissements dans l’agriculture, notamment en incitant les agriculteurs à accroître le captage de carbone par la restauration et la reforestation des terres.
2. Cibler, par les actions à entreprendre, les communautés et les paysages locaux : il y a là déjà des connaissances réelles de la gestion des sols et il est possible d’y mettre en place des partenariats. C'est souvent à ce niveau que naissent les conflits, mais c’est aussi là qu’ils peuvent être résolus ou évités.
3. Limiter les approches « top-down » pour le renforcement de capacités qui entraînent souvent des choix inappropriés de personnes et de lieux. Il s’agit plutôt de développer les capacités des personnes travaillant sur le terrain, d’organiser des rencontres sur site et de répondre aux attentes et aux besoins des populations directement concernées par la dégradation des terres et convaincues de l’importance de leur restauration.
4. Inclure les femmes et les jeunes – acteurs clefs du changement – dans toute initiative durable. Ces actions doivent promouvoir le leadership et bâtir des ponts entre les populations locales et les décideurs politiques, tout en s’attaquant au problème des inégalités liées au genre qui reste un frein à l’engagement et à la participation des femmes, et en développant des emplois liés à l’utilisation des terres qui ciblent le large réservoir de main d’œuvre que constitue la jeunesse.
5. Accroître la résilience à la sécheresse en développant des systèmes d’alerte, en renforçant les évaluations de la vulnérabilité et des impacts et en institutionnalisant les solutions liées à la préparation aux situations de sécheresse, de façon à impliquer les pays dans des politiques efficaces et des programmes d’investissement et de gestion des risques.
6. Saisir la très grande opportunité que représente la restauration des terres pour les investisseurs, porteuse de retombées autres que financières, mais que les entreprises et institutions financières ont encore du mal à appréhender. Un financement public est nécessaire, non seulement pour réduire les risques associés aux investissements, mais aussi pour rétribuer les services rendus par les petits agriculteurs qui préservent leurs terres tout en luttant contre le changement climatique, en protégeant la biodiversité, en améliorant la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau et en œuvrant pour la sécurité.
7. Combler l’énorme déficit financier par une augmentation des investissements privés. Cela nécessite des modèles d’affaires évolutifs offrant des retombées sur le plan financier et environnemental. Des fonds publics, y compris ceux consacrés à la lutte contre le réchauffement climatique, sont nécessaires pour encourager les investissements privés et le développement de nouvelles technologies. Des partenariats public-privé sont indispensables : ils doivent impliquer les populations locales, ainsi que les gouvernements aux échelons local et national, et rechercher des résultats à moyen et long terme. Des obligations dédiées à la restauration (ou tous autres instruments financiers similaires) peuvent constituer une part importante des mixages de solutions qui permettront de répondre à l’équation financière en faveur d’investissements générateurs de résultats écologiques et mesurables de façon transparente.
Aux générations présentes et futures, nous devons de mettre en œuvre cet agenda d’actions, de façon urgente et à l’échelle adéquate.