Vers une paix inclusive 2019
Construire une approche localisée et intégrée pour la prévention
18/07/2019
L’importance de travailler en lien avec les communautés locales et de promouvoir la paix d’une façon créative et inclusive est mise en avant dans la troisième et dernière édition de la conférence « Vers une Paix Inclusive », qui s’est déroulée dans le cadre du Caux Forum du 8 au 12 juillet 2019. Si en 2017 et 2018 l’attention était portée vers les victimes et les causes de l’extrémisme violent, cette année l’accent est mis sur trois sujets : la prévention profonde, la résilience des communautés et la protection des artisans de paix. Les approches présentées se fondent sur les concepts d’inclusion, de durabilité et de spécificité contextuelle.
Établir les faits : quelques données sur les conséquences de l’extrémisme violent
« L’extrémisme violent divise les communautés, exacerbe les conflits et déstabilise les régions » déclare Barbara Hintermann, Secrétaire Générale d’Initiatives et Changement Suisse, lors de la séance d’ouverture de la conférence. « Dans les pays dans lesquels nous travaillons, l’extrémisme violent a tué, blessé et entraîné le déplacement de millions de personnes », poursuit le Dr. Khalid Koser, fondateur et directeur exécutif du Fonds mondial pour l’engagement de la communauté mondiale et la résilience (Global Community Engagement and Resilience Fund, GCERF).
S’intéresser à l’extrémisme violent est crucial à la fois pour les populations mais aussi pour les États et le secteur privé. Si les approches sécuritaires paraissent inefficaces, il convient de dépasser cette vision pour inclure les acteurs locaux. Dans ce sens, le GCERF cherche à renforcer trois éléments fondamentaux de la résilience des communautés : le renforcement des capacités, la cohésion sociale et l’accès égal aux opportunités.
La résilience des communautés comme moteur de changement
« Nous devons nous engager pour articuler une vision positive de ce que nous voulons » déclare Melinda Holmes, directrice du programme pour l’Alliance des femmes pour le leadership en matière de sécurité (WASL) du Réseau international d'action de la société civile (ICAN). En effet, la paix n’est pas seulement définie par l’absence de guerre et de violence ; la paix est un état où les valeurs de justice, de démocratie et de droits humains sont respectées. Les approches de prévention doivent se concentrer à la fois sur le contexte et les forces des communautés.
Comme le rappelle Daniel Hyslop, responsable du programme de formation et des politiques d'Interpeace, « 99 % du terrorisme se déroule dans un contexte de conflits armés ou de terreur politique ». Il s’agit donc dans un premier temps de comprendre le contexte, en travaillant avec les populations locales.
Dans un deuxième temps, l’approche doit être intégrée et positive ; elle doit permettre un dialogue entre tous les acteurs et mettre en avant la résilience des communautés. L’approche de Mercy Corps – représentée par Emilie Tankora, spécialiste de programme en matière de cohésion sociale, de paix et de conflit – au Niger, rejoint ces principes. Le but de Mercy Corps est de travailler avec les communautés locales pour comprendre les différentes réalités et inscrire les projets dans la durée. La perspective adoptée est double : à la fois de court-terme, en répondant aux besoins immédiats, et de long-terme, en reconstruisant les liens sociétaux par le dialogue.
Le programme pour prévenir l’extrémisme violent présenté par Lisa-Raine Hunt, coordinatrice communautaire au ministère de l’Intérieur britannique, met également l’accent sur les ressources et la résilience des communautés.
Lors des ateliers de groupes, les sujets de la prévention, de la résilience des communautés et de la protection des artisans de paix sont abordés de façon plus interactive. À travers les parcours de vie d’acteurs locaux, les contextes de six pays sont comparés et étudiés de façon approfondie : le Nigéria, l’Ukraine, l’Inde, le Népal, le Royaume-Uni et l’Indonésie.
La créativité et l’art dans le processus de guérison
Le Dr. Ram Baghat, co-fondateur de la fondation Drums No Guns et du projet Massive Resilience, présente son approche pour promouvoir la résilience. Il montre comment la musique et le dialogue permettent de restaurer un équilibre en promouvant la dignité et le respect.
« Reconnaître ses vulnérabilités pour pouvoir ensuite se connecter aux autres ; travailler sur ses valeurs pour engager les communautés » : ce sont les principes de l’association Fighters for Peace, au Liban, co-fondée par Christina Foerch Saab. Le théâtre est ici utilisé comme un outil pour engager un dialogue sur les mémoires individuelles et collectives.
Les partages d’histoires permettent également de comprendre comment peut se réaliser le processus de guérison des traumatismes. Hassan Davis, aujourd’hui leader national en matière de réforme de la justice juvénile américaine, se fonde sur son expérience personnelle pour affirmer que « chaque personne mérite de devenir le héros de sa propre histoire ». Le rôle de l’espoir, de la confiance et de l’importance d’adopter une vision de long-terme ont ensuite été explicités le lendemain d’une façon plus formelle lors de la séance plénière.
L’alternance des points de vue et des formats de rencontres et de discussions font du Caux Forum un lieu unique pour s’inspirer et se former – mais aussi pour se connecter aux autres et à soi-même, comme le promeut Initiatives et Changement.
Être en sécurité par l’action
Dans le contexte d’une crise de la démocratie globale, Guissou Jahangiri, Vice-présidente de la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH), souligne l’importance des réseaux et des connexions pour la protection des artisans de paix.
Après avoir mis en avant l’échec de la communauté internationale dans la protection des artisans de paix, ainsi que le manque de reconnaissance des processus de consolidation de la paix, Stacey Schamber, responsable principale du Réseau international d'action de la société civile (ICAN), montre l’importance des réseaux dans la promotion de la paix. Elle prend l’exemple de l’une de ses collègues artisan de paix retenue dans un aéroport pendant plus de dix-sept heures. Grâce au réseau ICAN, elle a pu être soutenue par d’autres femmes et trouver une solution à cette situation. « La solidarité est une façon de nous soutenir et de rester en sécurité », conclut-elle.
Rodolfo Dominguez Marquéz poursuit cette discussion en présentant son travail en tant que coordinateur de l’Association civile pour la justice, les droits de l’homme et le genre, au Mexique. Il discute de plusieurs plans d’actions pour lutter contre les violences : identifier les risques de façon spécifique à l’aide de méthodologies puis mettre en œuvre des protocoles, ainsi que renforcer les réseaux d’acteurs et promouvoir une justice réparatrice.
Les objectifs de « Vers une paix inclusive » sont donc atteints : les collaborations sont amorcées et les participant-e-s se sentent inspiré-e-s par la conférence, les échanges et les rencontres.
Le résumé graphique d’Anna Lena Schiller mêle ces remarques, ainsi que les dessins et mots des participant-e-s.
Solidarité, dignité humaine, équité… L’approche centrée sur l’humain et les communautés permet de promouvoir la paix et le dialogue.
- Découvrez les photos de TIP 2019
- Revivez des temps forts de la conférence sur Facebook
- Regardez la vidéo