Mon expérience d'apprentissage: Danièle Castle
#LifelongLearning
24/04/2020
Le quatrième objectif de développement durable des Nations unies concerne l'accès à une éducation de qualité et à l'apprentissage tout au long de la vie - deux éléments essentiels pour apporter des changements positifs dans le monde.
Nous vivons à une époque de changements constants, rapides et profonds, déclenchés par le changement climatique et la transformation numérique. Pour trouver les bonnes réponses à ces nouvelles questions, nous devons apprendre davantage, et peut-être différemment. La curiosité, la créativité et l'esprit critique sont aussi importants que les compétences en mathématiques, en informatique, en langues, etc. Nous devons faire preuve d'innovation et d'ingéniosité pour construire un monde juste, pacifique et durable pour nous et nos enfants.
L'apprentissage a besoin de systèmes d'éducation bien gérés, mais il vient de chacun-e d’entre nous, de notre propre intérieur. Apprendre peut être amusant, mais parfois aussi douloureux. En préparation du prochain événement « Leadership éthique dans le business » en juin 2020, nous avons invité diverses personnes du monde entier à partager des récits de leurs parcours d'apprentissage. Ces récits offrent des aperçus inspirants et nous invitent à réfléchir sur notre éducation et notre apprentissage tout au long de la vie.
"Mon expérience d'apprentissage" (My Learning Story) espère devenir une expérience d'apprentissage globale, reliant des personnes du monde entier qui partagent leurs histoires sur ce que nous faisons toutes et tous chaque jour : apprendre à construire un avenir meilleur.
Entretien avec Danièle Castle, Directrice générale de l'éducation et des talents chez digitalswitzerland
Dans les faits, à quoi ressemblent l'éducation et la formation tout au long de la vie ? Comment le #LifelongLearning s’organise-t-il ?
L'apprentissage tout au long de la vie regroupe toute forme d’apprentissage, formel ou informel, et à tout âge. On entend par là les connaissances et les compétences ainsi que leur acquisition, et ce tout au long de la vie. Je me laisse guider par ma motivation profonde, c’est-à-dire ce qui m’intéresse, ce que j’aime faire, mais je tiens aussi compte des besoins externes ou de ce qui me sera utile dans ma vie professionnelle ou mes futurs projets.
La pandémie actuelle de COVID-19 impacte le monde entier. Qu'est-ce que la pandémie vous a appris sur vous-même ?
J'ai réalisé que j'avais été bien formée au travail à distance et que j’étais capable de jongler entre plusieurs outils avec une certaine aisance. J'ai également appris qu'il était important de pouvoir compter sur ses propres ressources pour pouvoir faire face à la distance sociale et au travail autonome. Ce sont toutes des choses que j'ai apprises au fil des années...
Qu'avez-vous dû apprendre du jour au lendemain afin de vous adapter à la nouvelle situation provoquée par la pandémie ?
J’ai dû rapidement apprendre à utiliser les nouveaux outils numériques adaptés à la situation actuelle. Je suis impressionnée par l'étendue de la créativité déployée par les individu-e-s et les entreprises pour faire face à la situation.
Le passage au numérique dans la vie professionnelle et privée a explosé en 24 heures. Que devaient apprendre d'urgence les entreprises suisses ?
Les grandes entreprises sont passées au numérique depuis déjà un certain temps. Les PME suisses, qui constituent l’épine dorsale de l'économie suisse, n'étaient pas assez préparées, loin s'en faut. Ainsi, par exemple, bon nombre de petits commerces qui n'avaient pas de site web pour vendre en ligne ou qui ne disposaient même pas d'une adresse électronique centrale pour les commandes, se sont retrouvés à faire des pieds et des mains pour développer un site web ou des systèmes de fidélisation pour pouvoir honorer des commandes. Dans le domaine de la formation, la fédération des formateurs pour public adulte a organisé quelques séminaires en ligne pour aider les formateurs à passer à la formation en ligne, mais ces formations en ligne ont rencontré un tel succès qu’elles ont dû être reprogrammées. Les entreprises suisses réalisent que le monde a changé et qu'avec les défis émergents, elles devront s'adapter à la numérisation beaucoup plus rapidement que prévu.
À quoi ressemble la fracture numérique en Suisse ? Avez-vous entendu parler d'initiatives spontanées visant à combler cette fracture ?
Selon le sociologue suisse Luc Vodoz, il existe trois niveaux de fracture numérique. Pour faire simple, le premier se résume aux bases du numérique, c'est-à-dire être capable d’allumer et d’éteindre un ordinateur. Le deuxième correspond à l'exécution de tâches simples, comme écrire un courriel, surfer sur le web. Le dernier niveau est synonyme d’une utilisation avancée, c'est-à-dire la capacité à trouver et interpréter correctement des informations, à naviguer parmi des applications et des programmes en appliquant des principes, etc. La fracture numérique touche les citoyen-ne-s du monde entier, y compris en Suisse. Prenons par exemple les personnes âgées, qui ont grandi sans toute cette technologie. Sont-elles capables d’utiliser les services de banque en ligne ou encore de voter par bulletin électronique ? La grande majorité d’entre elles n’en est pas capable. Swisscom et Pro Senectute organisent des cours destinés à cette catégorie de la population. Google organise des cours pour tous les âges, sur le respect de la vie privée, la sécurité et d'autres thèmes. Dans les écoles, l’accent est mis sur les fausses nouvelles et l'identification de sources d'information fiables.
Travailler efficacement de chez soi requiert non seulement certaines compétences numériques, mais aussi la capacité à gérer ses émotions, à se fixer des priorités et à se motiver. Avez-vous rencontré des exemples de bonnes pratiques d'entreprises qui aident leurs employé-e-s à réussir leur télétravail ?
Le PDG de digitalswitzerland est en train de préparer une série de meilleures pratiques, qui devrait être bientôt mises en place. Au sein de notre groupe, nous avons profité de l'occasion pour organiser des séances de brainstorming transversal, prendre des cafés en ligne et repenser certaines activités. Nombreuses sont les entreprises à faire de même.
Selon vous, quels sont les principaux obstacles à l'apprentissage tout au long de la vie ici en Suisse ?
C'est une bonne question ! Certains vous répondront que c'est une question de temps, d’autres vous diront que c’est une question d'argent, pour d'autres encore le fait de ne pas savoir sur quoi se concentrer à la lumière d'un parcours professionnel est un véritable obstacle. Pour certains, c’est la difficulté à faire reconnaître le travail qui est difficile... Les obstacles sont nombreux et variés. Cependant, digitalswitzerland a mis en place un programme appelé Boost, soutenu par la Fondation Hirschmann, pour favoriser l’accès à l'éducation en ligne et inciter chacun-e à profiter de cette période étrange pour suivre quelques cours.
Selon vous, comment la pandémie de COVID-19 va-t-elle influencer l'apprentissage tout au long de la vie ?
J’espère que ce type d’apprentissage va évoluer car l’économie ne se porte pas bien. On va devoir renforcer ses compétences, les adapter, se qualifier à nouveau. Et pour tout cela, l'apprentissage tout au long de la vie est essentiel.
Comment digitalswitzerland aide-t-elle les entreprises à améliorer l'apprentissage tout au long de la vie ?
digitalswitzerland est une association qui compte parmi ses membres de grandes entreprises, des PME, des ONG, des universités et des cantons. Nous avons lancé une campagne nationale de sensibilisation et, avec la SAV/UPS, nous avons demandé à nos membres et à leurs membres de signer un engagement à consacrer des ressources à l'apprentissage tout au long de la vie. Nous avons également mis en place un programme, Boost, afin d’aider les entreprises à améliorer les compétences de leurs employé-e-s. Nous continuons à travailler sur la sensibilisation et nous réaliserons également une étude cette année avec plusieurs partenaires afin d'identifier les obstacles à l'apprentissage tout au long de la vie pour les PME suisses.
Comment apprendre tout au long de la vie ?
La clef est d'apprendre à apprendre. Cette pratique doit se faire dès l’enfance, puis à l'école et à l'université.
Que voulez-vous apprendre, mais que vous n'avez pas encore osé ?
La médecine ! Je n’ai jamais été assez bonne en sciences et mathématiques.
Qu'est-ce que la vie vous a appris ?
C'est un vaste sujet. Il me faudrait plusieurs heures pour y répondre ! Je dirais, reconnaître l’importance de la famille et des ami-e-s, à être résiliente, à continuer à apprendre...
Qui est votre meilleur professeur ?
Mes meilleurs professeurs sont mes enfants, mes sœurs, mes amis et mes collègues.
Avez-vous dû « désapprendre » quelque chose ?
Oui, et pas qu’une seule. Le mode de fonctionnement des entreprises a changé, et la gestion aussi. Les générations futures recherchent davantage un emploi qui ait du sens, et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
Qu’avez-vous appris de vos erreurs ?
A ne pas les répéter.
Que ferez-vous en premier lorsque le confinement prendra fin ?
Une longue randonnée en montagne !